lundi 30 avril 2018

Mark Daniel



De tout temps, la formule du trio a représenté une sorte de graal rock n'roll. Pas d'artifice, ni de recoins où se cacher, les musiciens ayant choisi ce mode d'expression ne peuvent compter que sur eux-mêmes, il en ressort une tension, une adrénaline représentant la quintessence du rock n'roll. Jeune songwriter venu du Connecticut, Mark Daniel a justement choisi le trio pour son premier ep. Tension, détente, envolées lyriques des soli de guitares, brusques accélérations du tempo et du volume (« Heart stops beating ») auxquels succèdent des paysages sereins et apaisés (« Coming Down » ) voire folk (« Got it bad ») sont au programme de ces cinq titres inauguraux d'obédience classic rock sur lesquelles se greffent influences venues du blues ou du rock nineties. Parfaitement abouti sur le plan musical, le projet pèche un peu sur le plan vocal, quelques embardées mal contrôlées noircissant un peu le tableau. Bien peu de chose comparé au plaisir, communicatif, pris par les musiciens. De quoi largement rattraper les quelques doutes nés d'une démarche assez classique. Comme le chantait Neil Young, le rock n'roll ne mourra jamais et, en partie, grâce à d'authentiques passionnés tel que Mark Daniel. 

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'Heart Stops Beating' - Mark C. Daniel from The Tao Company on Vimeo.

dimanche 29 avril 2018

I'm with her : « See you around »



Une des choses que l'on aime le plus sur cette page, c'est de pouvoir voyager en musique. Notre éducation musicale s'est faîte avec Neil Young dont l'album classique « Harvest » (1972) nous a fait voyager dans les grands espaces étasuniens, ou avec Nick Drake dont le « Bryter Layter » (1970) nous a transporté dans les vertes prairies anglaises. Cette sensation d'espace et d'amplitude est au coeur du premier album du trio féminin I'm with her. La recette est simple et repose sur quelques éléments, une mandoline, deux guitares acoustiques et de merveilleuses harmonies vocales. Le trio s'inscrit dans une tradition typiquement américaine, celle du bluegrass, soit la country des collines, jouée exclusivement sur des instruments à cordes. Une tradition séculaire avec laquelle le groupe se joue à équidistance du respect de la tradition (« Waitsfield ») tout en la trahissant juste assez pour produire une musique actuelle, teintée de pop et de rock (« 1-89 », « Overland »), et susceptible de séduire le public européen bien peu au fait des subtilités de la country qui, chez nous, se résume à, bêtement, crier « iha » pendant les quelques rares concerts du genre à Paris. Tout dans cet album n'est que musicalité du geste et délicatesse, des mélodies, des arrangements et des voix. Porté par une véritable cohésion, qui s'entend tout au long du disque, le trio s'est soudé autour d'un projet commun : cet excellent album. 

En concert à Paris (Les Etoiles) le 4 mai 2018.
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samedi 28 avril 2018

Slim Paul : « Dead Already »



Le chapitre Scarecrow refermé, Slim Paul reprend le cours de sa carrière solo, entamée en 2012 avec la parution d'un premier EP en parallèle de celle de son groupe blues hip hop. Voici donc Slim Paul, son premier album et son pseudo qui claque comme celui d'un bluesman oublié des années 1930. Pour ce dernier le grand écart entre rap français et blues anglophone, qui faisait tout le sel de Scarecrow, semble terminé, la suite s'écrira sous l'influence de la note bleue. Une note que poursuit l'artiste tout au long de ce premier effort et où retrouve, parfois, un peu de son ancien groupe ; sur l'étonnante première plage « One of these days », titre quasiment à cappella avec pour seul accompagnement du human beatbox, ou dans le traitement rythmique de « Stuck on my own city » à base de boîte à rythme. Assez symptomatique de la façon dont l'artiste s'attaque au blues, en le considérant comme une matière vivante qu'il agrémente au grè de ses envies sans trop chercher l'orthodoxie à tout prix. Il en ressort un album riche et varié, dansant à l'occasion, la merveilleusement funky « Let me in », la swingante « Beauty N The Beat » ou le plus souvant touchant (« Nola song », en hommage à la cité du croissant, « Come N Play », « Lady Sorrow ») ou les deux en même temps (« Same mornin »). Quelque soit l'occasion, le grain de voix brisé de Paul fait des merveilles et convoque mille émotions chez l'auditeur. Âpre et joué près du corps, ce premier effort semble constamment à la poursuite d'un rythme : celui du battement d'un coeur. Un démarche qui prend tout son sens lorsqu'arrive la dernière piste, dantesque, qui se termine par un long larsen de guitare évoquant une asystole, un coeur qui cesse de battre pour quitter la vie. « Dead Already ». 

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mardi 24 avril 2018

Bettye LaVette : « Things have changed »



Que cela soit avec son projet autour du rock anglais (« Interpretations », 2010) ou centré sur le travail d'auteures/compositrices (« I've got my own hell to raise », 2005), la survivante de la soul Bettye LaVette a maintes fois, par le passé, fait preuve de ses facultés d'appropriation. Pour ce nouvel effort, LaVette s'attaque à une légende du songwriting étasunien, et prix nobel de littérature : Bob Dylan. Et la rencontre fait des étincelles ! En effet, la chanteuse (pardon l'interprète) a trouvé dans le répertoire folk suffisamment de grain à moudre pour faire briller de mille feux son timbre de voix si particulier, rauque, de gorge et un peu brisé avec cette félure typiquement soul au fond de la gorge. Ce n'est ni lisse, ni poppy, ni sucré, la vie est bien plus dure que ça et c'est un peu tout cela que l'on entend dans le chant de Mme LaVette, dans ce parcours fait de hauts et de bas et au terme duquel ce nouvel album sonne comme une revanche sur le business : c'est le premier a sortir sur une major (le prestigieux label Verve) à l'age de 72 ans. Composé de grands classiques attendus (« It ain't me babe », « The times they are a-changin' ») mais aussi, en majorité, de titres plus obscurs, Mme LaVette trouve le juste équilibre, respectant le répertoire tout en le tordant suffisamment pour se l'approprier modifiant les paroles ou entraînant la chanson sur un territoire soul (on en attendait pas moins) très différent du traitement original. Entourée de quelques pointures (le bassiste Pino Palladino, l'ex guitariste de Dylan Larry Campbell) et de quelques invités prestigieux (Keith Richards, Trombone Shorty) Bettye brille aussi en matière de rock n'roll (« Do right to me baby », « The times they are a-changin' » « Political world » avec Keith Richards) et c'était, pour le coup, assez inattendu. Un superbe album aux climats riches, variés mais d'une égale virtuosité (notre préférée coup de coeur : « What was it you wanted »). Comme quoi la véritable soul tient plus du feeling de l'interprétation, du moment que du respect de règles préétablies. 

http://www.bettyelavette.com/



lundi 23 avril 2018

Poppy Ackroyd : « Resolve »



Musicienne classique, pianiste et violoniste, Poppy Ackroyd réussit cet exploit, rare, de s'immiscer dans le fin interstice séparant la musique classique de la pop vaporeuse et éthérée. La démarche peut rappeler celle des Allemands de Get Well Soon tout en étant assez différente. Point de chanson ici mais des pièces instrumentales aux titres liminaires (« Paper », « Light », « Time », « Luna » etc...) de facture assez minimaliste mettant en avant ses instruments de prédilection (piano et violon) mais également un soupçon d'électronique dans les rythmes. N'ayant pas peur de l'emphase, tout en contrôlant ses envolées lyriques à la perfection, jouant de la tension/détente avec maestria et développant une force hypnotique impressionnante à base de thèmes répétitifs obsessionnels et entêtants, l'Anglaise signe ici un album propice à la rêverie tout en dégageant un soupçon de mélancolie automnale. C'est beau. 

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dimanche 22 avril 2018

Danaë Xanthe Vlasse : « Trilogies »



Les deux mains sur le clavier de son piano, Danaë rêve. Installée de longue date à Los Angeles, la musicienne, née à Bordeaux, entretient la mélancolie de sa terre natale le long de compositions toutes titrées dans la langue de Molière, tout comme le titre de ce disque. Ainsi cet album présente quatre pièces « Fantaisie », « Nocturne », « Petite Valse » et « Prélude » (étrangement placée en clôture) toute déclinées en trois mouvements. Seule au piano, et en instrumentiste accomplie, la musicienne fait corps avec son instrument, devenu une extension de sa personne. Au-delà de la musique, d'obédience classique et néo-romantique, la pianiste nous révèle des sentiments, des émotions au fil de notes, jouées avec maestria où la virtuosité n'est jamais vaine mais est, au contraire, au service du propos. Un album long, dépassant l'heure de musique, qui fait passer l'auditeur par toutes les couleurs, où la musique déferle comme une vague continue. Comme le calme suit la tempête, comme la pluie vient après le beau temps, les moments calmes, d'une beauté éthérée, ménageant une large place au silence, suivent un déferlement de notes orageuses jouées avec célérité. Un magnifique effort que l'en prend plaisir à écouter le soir, pour se détendre en fin de journée. 

http://www.danaevlasse.com/


vendredi 20 avril 2018

Vanished Souls + Why Mud, le Nouveau Casino, 19 avril 2018.


C'est un joli plateau, autant psychédélique qu'expérimental, totalement cohérent et complémentaire, qui a été réuni en ce jeudi soir au Nouveau Casino. 

On commence avec Why Mud, un quartet que l'on avait repéré avec un premier album très ambitieux (« Adam & Joe ») dont on découvre, enfin, la déclinaison scénique. Mené tambour battant par un batteur très carré et véloce, Why Mud a pour particularité de s'inspirer autant de la scène psychédélique des années 60/70 que de s'en éloigner. Voix plaintive à la Jeff Buckley, entrelacs mélés de nappes synthétiques et de guitares aériennes, le tout sert à merveille de longues compositions à tiroirs tellements profonds que l'on s'éloigne par moment du rock au sens strict du terme. A mi-chemin des idiomes psychédéliques et du progressifs, voici un groupe qui s'éloigne autant de revival qu'il le respecte. Mention spéciale au guitariste au look fleuri qui a débarqué en skate à la salle. Rafraîchissant. 

Cette balance entre progressif et psychédélisme, c'est également tout ce qui fait tout le sel de Vanished Souls, le groupe suivant que l'on a pu admirer sur scène en ce jeudi soir. L'aspect le plus passionnant de la chose est certainement le dialogue établi entre la batterie explosive de Julien, une présence inquiétante au visage masqué, et les guitares aériennes de Svein. Le feu et la glace. Tout part souvent de la batterie solide et carré dont la rafale de doubles croches sonnent le début des hostilités avant que la guitare, au phrasé mélancolique, n'emboîte le pas, montant dans les tours et les watts jusqu'à évoquer le néo métal (« Am your shadow »). Le tout est bien soutenu par une basse énorme (Wilfried) alors que le chant est au diapason, clair doux et aéré ou forçant un peu plus sur les cordes vocales. De subtils, jamais invasifs, et discrets arrangements électro participent à la texture et entretiennent cet aspect enveloppant de la musique. 

Si en matière de rock psychédélique la nostalgie des années 60 et 70 semble être la norme, les deux groupes du soir prouvent qu'il est possible de sonner autrement en ratissant plus large de la fin du 20ème siècle au début des années 2000. 

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mercredi 18 avril 2018

Forever Pavot : « La Pantoufle »



Pour tous ceux qui, à l'instar de l'auteur de ces lignes, aiment autant le cinéma que la musique, ce nouvel album de Forever Pavot s'impose comme une bénédiction. Toujours aussi fondu des années 70, du vinyle et des instruments vintage, Emile Sornin (la tête pensante du projet) imagine un invraisemblable polar à la recherche d'une pantoufle égarée (cf. « La Pantoufle est dans le puit »). Un projet farfelu sur le papier mais porté par une véritable ambition musicale dans la foulée des films des seventies mis en musique par (entre autres) François de Roubaix. Ainsi morceaux anxiogènes, comme la BO d'une poursuite imaginaire (cf. « Les Cagouilles ») succèdent aux scènes porno soft (« Jonathan et Rosalie ») et aux moments de pure fantaisie (« Huître »). Pour mieux souligner son propos, Emile a mis les petits plats dans les grands. C'est une véritable jungle d'arrangements qu'a imaginée le musicien quitte à s'éloigner du rock (clavecin, flûte, percussions etc.) ; les synthés vintage, apport prépondérant mais toujours utilisé à bon escient, apportent une note retro futuriste (« Père », « Cancre »), qui rappelle les productions Tricatel de Bertrand Burgalat (notamment celles pour April March), et qui permet au disque de dépasser le simple revival nostalgique, même si ce dernier est très réussi par ailleurs (cf. la jazzy « Les Cordes »). Une grande réussite ! 
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mardi 17 avril 2018

Un premier clip pour Delgres

Delgres (c) Rémy Solomon

Après avoir vu le magnifique trio de blues créole Delgres en concert (et pris autant de claques à chaque fois) la déception était grande de constater que le groupe n'avait à ce jour jamais sorti le moindre disque. Une anomalie sur le point d'être réparée puisque l'on annonce le premier album du trio pour 2018 dont le premier clip et le teaser viennent d'être dévoiler. Vivement la suite...



lundi 16 avril 2018

A Forest Man : « Into the wild »



Cela commence par un coup de vent glacé… Après des dizaines de groupes, une période de disette éloignée des guitares, et un temps en trio, Olivier, l'homme de la forêt, nous revient seul avec sa guitare acoustique, dans le plus simple appareil, et un titre inspiré d'un film de Sean Penn. L'ambiance est intime, au fil des arpèges délicats de guitare, la voix grave, en quatre minutes et vingt secondes, A Forest Man nous fait prendre un grand bol d'air en musique. La bande son d'un homme apaisé, arrivé à maturité. 

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dimanche 15 avril 2018

Bordelophone, Muzik'Club, Créteil, 14 avril 2018.

Bordelophone (c) RG

Les membres de Bordelophone sont quatre, la moitié du groupe est composée de professeurs issus du conservatoire, de fines gâchettes donc, des pros… On y retrouve de la guitare, de la basse et de la batterie jusqu'ici du classique. L'originalité, l'élément perturbateur est incarné par le trombone. Quel était le dernier groupe à utiliser du trombone ? FFF ? En tout cas l'idée est originale et permet de brasser un large éventail de styles. Le concert commence sur les chapeaux de roues, gros son, l'attaque est à la limite du métal puis vient un pont plus doux, avec une guitare wha-wha délicieusement soul. En quelques minutes à peine, le groupe fait montre de l'étendue de son répertoire. La musique ressemble à une balle devenue folle rebondissant dans tous les coins, cochant les cases au passage, jazz, funk, rock, métal et on en oublie... De la fusion au sens propre du terme. La virtuosité, le mot n'est pas trop fort, des musiciens est mise au service d'une créativité débridée. Un joyeux bordel (ophone bien entendu) mais également aphone, le groupe se passant de vocaux privilégiant une approche instrumentale (enfin presque, le tromboniste beuglant dans le micro de son instrument par moments) passant du calme à la tempête et inversement prenant ses distances avec le songwriting classique, ce qui ne les empêche pas de citer « Kashmir » de Led Zeppelin le temps d'un clin d'oeil sympatique (cf. « Del Pez »). Un concert euphorisant et festif, une belle découverte dont le premier album sort « très bientôt ». On l'attend avec impatience. 

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samedi 14 avril 2018

Dragon Rapide : « See the big picture »



De tous temps, le trois a été le numéro magique du rock. Source de fantasmes, le trio est peut-être bien l'épitomé du rock n'roll. A trois, l'équilibre est précaire, la dynamique précieuse, tout le monde est à fond ou tout le monde se plante, ensemble. A fond, les trois membres de Dragon Rapide le sont certainement. La tension qui anime le groupe, le feu intérieur, l'auditeur l'entend tout au long de ce premier album. Rien de bien perceptible au demeurant, mais une sorte de menace qui plane au-dessus des enceintes, une épée de Damoclès pendue aux oreilles, et perceptible dans la moindre descente de batterie, le plus infime frottement de cordes. Résumons, si trois est le chiffre magique, les ingrédients nécessaires à tout bon disque de rock sont au nombre de deux : le son et les chansons. 3X2, équation magique mise en pratique ici. Les chansons donc, sont plutôt d'obédience power pop, héritières d'une lignée commencée avec Big Star, poursuivie avec Weezer et Nada Surf, le tout fleure bon les années 1990. Mais, tout comme le monde ne s'est pas arrêté de tourner au changement de siècle, les membres de Dragon Rapide ont gardé les oreilles grandes ouvertes pour mieux s'emparer de leur répertoire avec la fièvre d'un groupe de garage, un son de guitare sale et saturé, pour mieux vitrioler leurs compositions aux refrains sucrés, repris en coeur. De son côté, la basse tricote des lignes énormes rappelant la cold wave ajoutant une touche de noir dans le tableau. On est séduits, il va sans dire. 

En concert le 17 mai à Paris (Truskel)
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mardi 10 avril 2018

Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, Le Trianon, 09/04/2018.


Nous avons vécu un grand moment hier soir. Dans le cadre magnifique du Trianon, Nathaniel Rateliff et son groupe The Night Sweats, qui porte bien son nom tant il nous a donné des sueurs nocturnes, ont défendu avec une ferveur exceptionnelle leur nouvel album (chronique à venir bientôt). La formation compte huit membres : basse, batterie, guitare, cuivres et clavier. Un dernier membre alterne entre percussions et saxophone. Le groupe semble ancré dans une tradition soul sudiste, le genre qui démange les articulations, les cuivres bien pêchus et la rythmique au bord de l'apoplexie ; un idiome qu'ils attaquent avec la rage d'un groupe de garage rock tout en privilégiant le feeling. Quelques titres plus calmes, et même interprétés seul à la guitare acoustique rappellent l'enracinement de la musique folk de Nathaniel qui a lui-même débuté dans la carrière par le folk. La musique prend une toute autre ampleur accompagné par le groupe, Rateliff peut alors se laisser aller à son charisme naturel, sa coolitude détachée et son jeu de jambes tout en glissades mortelles (grande concurrence toutefois du bassiste à ce niveau). Mais Nathaniel Rateliff c'est aussi coffre ultra-puissant qui scotche sur place, l'émotion et le feeling coulent à flots. Ainsi la performance du soir fonctionne sur le même principe qu'une cocotte minute, la pression monte au fur et à mesure pendant une grosse heure avant qu'une euphorie contagieuse se propage dans le public, tout le monde debout, les bras en l'air pendant « I need never get old » et le climax atteint pendant le dernier titre « S.O.B » repris joyeusement en cœur par la foule bien après que les musiciens aient quitté la scène. Le meilleur moyen pour les faire revenir avec une merveilleuse reprise d' « Atlantic City » (Bruce Springsteen) mettant en valeur la similitude vocale entre les deux chanteurs. Un grand moment, on vous le dit ! 

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dimanche 8 avril 2018

Shaggy Dogs : « All inclusive »



Dans le jargon des voyagistes, « All inclusive » signifie « tout compris ». C'est également le titre du nouvel effort des Shaggy Dogs et, à l'écoute de ce dernier, on peut affirmer que le disque est également « tout compris », en termes de frisson rock n'roll, en même temps que les membres du groupe ont tout compris. Car notre bande de chiens préférée est de retour, et en très grande forme s'il vous plaît ! L'amateur de bon vieux rock n'roll ne sera pas dépaysé ici, la section rythmique pratique un subtile alliage entre groove et puissance d'execution (« Watch out »), chant de gorge mordant de Red le chanteur/harmoniciste, et la guitare dézingue tout sur son passage ("Link Wray"). Le clavier (piano ou orgue) apporte du liant, une note de boogie woogie survolté (« Swingin' high and low ») et un surplus de groove ; comme un rugissement de moteur venu du garage rock n'roll pour assourdir le pub. Produit par Gary Bromham (au C.V. prestigieux et long comme le bras : U2, George Michael, Björk) ce nouveau disque voit le groupe se recentrer sur ses acquis, le blues (« Tired of it all ») et le rock n'roll furieux (« Blues steady ») tout en tentant une ouverture vers le rock latino (« El dia de los muertos ») ou le reggae ("Time to go"). Ainsi, le monde musical des Shaggy Dogs semble circonscrit aux années 70 mais le questionnement qui anime le groupe est tout à fait contemporain comme le prouve le « Facebook Fury ». Un album euphorisant qui annonce des concerts explosifs… 

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Hugh Coltman : « Who's Happy ? »



Depuis qu'il a accepté, un soir de 2012, de remplacer la chanteuse Krystle Warren (par ailleurs présente sur ce disque) aux côtés de l'excellent pianiste Eric Legnini, la carrière de Hugh Coltman a pris une tournure aussi inattendue qu'une improvisation jazz. Jusqu'ici le Britannique de Montreuil s'était fait connaître dans un registre pop folk assez éloigné du jazz. Puis il y a eu le disque de reprises de Nat King Cole, un franc succès et une Victoire du Jazz en 2017 à la clé (Voix de l'année). Et voilà Hugh lancé sur le chemin du swing. La suite de l'histoire s'est écrite à la Nouvelle-Orléans où Hugh a posé ses valises le temps d'enregistrer ce nouvel album en compagnie de quelques fidèles, le guitariste Freddy Koella (un français exilé depuis des années), le batteur Raphaël Chassin et quelques pointures locales. L'amalgame entre la culture européenne et louisianaise fonctionne à plein régime. Hugh s'est totalement fondu dans le paysage et a créé l'écrin parfait pour mettre sa voix en valeur, tantôt crooner de charme au timbre séducteur et mélodique (« Sugar Coated Pill », « Ladybird ») ; tantôt félin sur un registre plus rageur (la magnifique « It's Your Voodoo Working »). Car c'est une idée de génie qui se cache derrière ce disque adapter le son de la Nouvelle-Orléans, cet étrange état entre groove joyeux et profondeur des sentiment, à sa personnalité et à son vécu («All Slips Away » sur la maladie de son père, « Little Big Man » pour son fils). Hugh atteint ici une note très émouvante, tant les musiciens neo-orléanais savent transformer les peines en swing positif (cf. « Resignation Letter », superbe). Who's Happy ? nous demande Hugh Coltman. L'auditeur évidemment à l'écoute de cet album entre chien et loup. Excellent. 

En concert le 12/04 à Paris (Bataclan)

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vendredi 6 avril 2018

Barton Hartshorn, Le Zèbre de Belleville, 05/04/2018.


C'est dans le cadre boisé, intime et magnifique, ressemblant à l'atmosphère d'un vieux cirque, du Zèbre de Belleville que le Britannique Barton Hartshorn a fêté la sortie de son album. Un évènement attendu à plus d'un titre. Déjà parce que l'album nous avait fait forte impression à sa sortie et on ne se lasse pas de l'écouter malgré le flot incessant de sorties, toujours un bon signe. Ensuite, le concert se faisait un peu attendre tellement on avait hâte de découvrir la déclinaison scènique de ce magnifique album. Et on n'a pas été déçus ! Pour se mettre au diapason de l'évènement, Barton s'est donné les moyens de ses ambitions et a rassemblé un remarquable groupe de musiciens. Ils sont donc huit à tenir sur scène, malgré l'exiguïté du lieu, une gageure ! C'est une formation très complète, piano, guitare, basse, batterie, percussions et cuivres, qui se présente sur scène avec une ambition très haute, celle de recréer l'ambiance pop/folk/FM américaine des années 1970 en prenant pour modèle des formations comme Steely Dan (dont il a repris le titre « My old school », quelle guitare soit dit en passant !) ou Supertramp. Soit une pop de haut vol servie avec un sens certain de la virtuosité et un doigté très sûr. Et sur ce plan spécifique on a été particulièrement bien gâté ! Un véritable bonheur que d'écouter ces musiciens ! Dès les premières notes, l'auditeur est transporté sur une highway rêvée et ensoleillée, la muscle car fonce, les cactus défilent sur le bas côté… Mais le concert met également en valeur les racines folk de la musique de Barton et, en portant une oreille attentive aux paroles, on découvre une galerie de personnages attachants, du menteur invétéré imaginant des extra-terrestres dans son jardin, au pauvre type dont la vie est détruite par un email reçu en pleine nuit. Pour ne rien gâcher, sur scène Barton, parfaitement francophone, fait preuve d'un véritable charisme naturel, il prend son pied, ça se voit et c'est contagieux, et de beaucoup d'auto-dérision façe aux piques de son batteur (un chambreur celui-là) qui ont animé le show. Très classe comme soirée. 

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lundi 2 avril 2018

The Limiñanas : « Shadow People »



Ce nouvel album du duo est placé sous l'égide de deux figures légendaires du rock : Anton Newcombe (Brian Jonestown Massacre) qui le produit et Peter Hook (le bassiste de Joy Division) qui joue sur l'excellente et très cold-wave « The Gift ». En allant chercher de telles collaborations, The Limiñanas a eu une idée de génie ou, au moins, la meilleure de l'année ! Effet collatéral, le disque résussit un grand écart, impensable, entre le rock psychédélique d'ici, l'ombre de Gainsbourg circa « Melody Nelson » plane lorsque Lionel Limiñana s'empare du micro (cf. « Le premier jour », « Trois bancs »), et aussi de là-bas, puisque Anton chante également sur l'album qui, soudain, sonne comme un inédit du BJM (cf. «Istanbul is sleepy ») ! Une nouvelle sacrément excitante pour les fans et une influence constante sur le disque en forme de trip marqué par les musiques du monde (cf. le bouzouki présent sur tous les titres). Pas question cependant de passer sous les fourches caudines anglo-saxonnes, l'album ne renie en rien son identité française, Bertrand Belin (cf. « Dimanche »), Pascal Comelade et Emmanuelle Seigner (cf. « Shadow people ») venant se joindre à la fête. Comme les meilleurs crus du BJM, « Shadow People », s'impose comme un classique immédiat captant l'essence des sixties, l'esprit aventureux, le chaos bordelique, les motifs répétitifs entêtants et hypnotiques (cf. « Pink Flamingos »), pour impulser une dynamique tout à fait contemporaine. Excellent ! 

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dimanche 1 avril 2018

Standing at the gates : The Songs of Nada Surf's Let Go



A bien des égards, les albums hommages sont souvent décevants et pèchent principalement par un manque de cohérence ou une logique trop commerciale plombant les projets, forcéments décevants pour les fans du groupe en question. Nous, ici, on aime beaucoup Nada Surf, que l'on suit régulièrement et que l'on a, maintes fois, applaudi en concert. Aussi, on ne pouvait que poser une oreille curieuse et un peu méfiante, eu égards aux réserves évoquées plus avant, sur cet album de reprises de « Let Go », le troisième effort du trio new-yorkais, qui arrive comme un retour de manivelle, le groupe s'étant également essayé à l'exercice de la reprise avec « If I had a hi-fi » sorti en 2010. Première constatation, l'ordre originel des chansons n'a pas été respecté, et, deux titres, « End Credits » et « Run », n'ont pas trouvés preneurs. Il s'agit donc d'une sorte de « recréation originale » du disque, qui en respecte plus l'esprit que la lettre, une œuvre à part entière et c'est donc ainsi qu'il convient d'apprécier cet album. En un quart de siècle de carrière, Nada Surf s'est construit, lentement et au fil du temps, une figure de parrain sur la scène indie/power-pop. Et c'est précisément ce que l'on retrouve dans le casting qui figure au générique : Ron Gallo (magnifique reprise mi-soul mi-punk de « Happy Kid »), The Texas Gentlemen (« Inside of Love »), Aimee Mann (« Paper boats », sublime)… Même le titre en français du disque « Là pour ça » a été repris, courageusement, en version cabaret électro par Aida Victoria, et même pas peur ! En quinze ans, le panorama musical a bien changé et c'est ce qu'illustre, en creux, cet album, de surprenants arrangements électro s'invitant à la table anniversaire « Blonde on blonde » (par Rogue Wave), « Killian's red » (Holly Miranda) et l'excellente « Hi-speed soul » dont la version par The Long Winters, est étonnamment dark par rapport à l'originale et teintée de cold-wave 80s (rappelons que sur scène, à l'époque, le trio s'amusait à intégrer un bout de Joy Division au milieu de la chanson) ; Nine Inch Nails n'aurait probablement pas fait mieux… Enfin on a un petit coup de cœur pour la relecture rageuse de « The way you wear your head » par Charly Bliss. Sorti en 2002 « Let Go » a toujours fait figure de renaissance pour le groupe qui sortait d'un divorce douloureux avec son label (une major) de l'époque. Un album important donc, doublé d'une grande réussite artistique. Même si Nada Surf a connu des hauts avant (The Proximity Effect) et après (les deux derniers efforts studio du groupe « The stars are indifferent to astronomy » et « You know who you are » sont de très haute tenue), « Let Go » a toujours occupé une place à part dans le cœur des fans et du groupe lui-même. Sans doute la raison pour laquelle ils ont accepté d'en confier le répertoire à d'autres pour un résultat varié et surprenant (« Neither heaven nor space » façon western par William Tyler) mais toujours réussi.