mercredi 15 février 2017

Les Nuits de l'alligator 2017



Avec sa programmation tournant autour du blues, du rock garage, de la soul et du folk/country, le festival Les Nuits de L'alligator fait notre bonheur depuis douze ans puisqu'on est sûr, d'une part de trouver des groupes que l'on aime et, d'autre part de faire de belles découvertes. Avec une programmation de haut vol, cette nouvelle édition n'a pas échappée à la règle, le tout dans le cadre intime et intrinsèquement rock n'roll de la maroquinerie. Retour sur les trois premières soirées parisiennes du cru 2017...

Jeudi 9 février : C'est aux Espagnols de Guadalupe Plata qu'il revient l'insigne honneur d'ouvrir les débats de cette nouvelle édition. Le trio, assez atypique, compte en son sein un musicien préposé à d'étranges instruments dépassant rarement les deux cordes en sus des classiques batterie et guitare. La musique est majoritairement instrumentale, twangue en diable et chasse sur les terres punk et blues, rappelant le Gun Club et autres RL Burnside. Déjà assez côté dans son pays natal, le groupe devrait conquérir l'autre versant des Pyrénées. Enfin, dans un monde parfait. Il y a quelques mois de cela, on s'était extasié sur le nouvel album des Sore Losers et leur prestation du soir ne fait que renforcer l'excellente impression laissée par l'album. Le set débute sur une note à la fois lourde et lancinante rappelant Black Sabbath puis vire vers un son rock n'roll garage brutal et sauvage bien aidé dans sa tâche par un chanteur charismatique et un guitariste maniant l'art du solo sans en faire des tonnes. Excellent de bout en bout, le groupe apporte une touche de métal qui jusqu'à présent faisait défaut au festival. Non, Boss Hog n'est pas le nouveau groupe de l'hyperactif Jon Spencer (Blues Explosion, Heavy Thrash). C'est même un projet très ancien, formé avec son épouse Cristina Martinez, dont les premiers pas discographiques remontent à 1990 et dont on avait perdu la trace à la fin du siècle dernier. Un retour remarqué, après 17 ans d'absence, c'est dire si l'événement est d'importance. La Maroquinerie est pleine comme un œuf, pas évident de trouver le spot idéal pour voir la scène (à vrai dire on n'y sera jamais totalement arrivé) mais on est littéralement emporté par la tornade rock n'roll ourdie par Spencer & Co. Contrairement à ses autres formations, cette dernière est plus fournie, claviers (pour une légère touche électronique assez rare chez Spencer), batterie et deux guitares. Les voix étant dans leur majorité assurées par Cristina Martinez qui harangue la foule dans une attitude foncièrement rock n'roll. Le son est énorme, le public assommé. Grand moment.

Vendredi 10 février : La soirée débute avec une jolie découverte, l'atypique trio King Biscuit, originaire de Normandie. Derrière sa jolie guitare vintage demi-caisse, Sylvain Choinier dispense un blues envoûtant de sa voix de gorge. L'ensemble est très rythmique, la formation est complétée par un batteur et un percussionniste, la transe n'est jamais bien loin. Une étrange petite guitare carrée (une mini Bo Diddley) et quelques discrètes notes de claviers gardent la routine à distance, faisant pencher la balance vers plus de modernité. Belle découverte. Lorsqu'il arrive sur scène Theo Lawrence et ses Hearts emmène avec lui son univers sous la forme de divers artefacts. Des plantes vertes et autres lampes chinoises font ainsi leur apparition transformant la maroquinerie en salon douillet. Situé au crossroads entre soul, blues et rock n'roll, l'univers musical de Theo transpire le raffinement et l'élégance, bien servi par sa voix de crooner et des musiciens de haute volée. Superbe exercice. On termine enfin avec Luke Winslow King, chanteur et guitariste venu de la Nouvelle-Orléans qui se produit pour la première fois dans nos contrées. Sorte de Jeff Buckley du blues, Winslow King enlumine son songwriting pop d'influences venues du blues, du jazz et du folk. Son groupe est remarquable, le batteur swing avec efficacité sur des patterns venus du jazz et la paire de guitaristes (dont Winslow King lui-même) maîtrise le bottelneck à la perfection. Hélas, la durée (trop longue) des compositions tends à en réduire l'impact. Une belle découverte quoi qu'il en soit.


Dimanche 12 février : Le plateau regroupant des artistes masculins est superbe. On commence par un chanteur dont l'album nous avait particulièrement impressionné en début d'année William Z. Villain. La complexité rythmique du disque laissait augurer une transposition scénique compliquée. Et ce fut le cas. Seul avec sa guitare et tout un attirail de percussions diverses, William passe de longues minutes, entre chaque morceau, pour mettre au point le pattern nécessaire à la chanson. La performance d'ensemble perd ainsi un peu de son impact. Fort heureusement, la personnalité fraîche, chaleureuse et enthousiaste de William aide à patienter. Visiblement heureux d'être sur scène, William emballe le public en moins de deux grâce à ses blagues et son français, approximatif mais charmant. Lorsque tous les éléments sont en place, la musique est une véritable beauté hypnotique, à l'image du magnifique « Her Song » de clôture ou du tube « Anybody gonna move » dont les méandres rythmiques rappellent l'Afrique. Un jeune artiste à suivre. Avec leurs chemises à carreaux et leurs stetson sur la tête, Karl Blau et son groupe œuvrent dans un registre différent, celui de la country raffinée et romantique. La pedal steel amène un indéniable supplément d'authenticité et la voix déborde d'âme. L'ensemble évoque comme une version tendre et assagie de Steve Earle. Magnifique. Lorsque Bror Gunnar Jansson, tiré à quatre épingles, arrive sur scène, le silence se fait dans la salle. Le public, comme impressionné par la stature de l'artiste, est dans l'attente d'un grand moment. De fait, un concert de Bror Gunnar Jansson est toujours un moment fort en émotions tant l'investissement du musicien est total. Ce sont ainsi mille tourments qui s'échappent de sa guitare et de sa voix. Ses accords déchirent l'air ambiant et le chanteur, les yeux exorbités, semble littéralement possédé. Limite flippant tant son esthétique est sombre. En formation one man band, assurant à lui seul l'ensemble des orchestrations, Gunnar impressionne et excelle, comme d'habitude.

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