vendredi 30 septembre 2016

Alister+Alka, Les Trois Baudets, 27 Septembre 2016.




On commence par un coup de cœur pour Alka, la chanteuse en charge de la première partie. Plutôt mignonne et sexy, la petite brunette est l'héritière des grandes muses gainsbourgienne, avec la même façon de chanter, dans le souffle, un petit brin de voix légèrement fluet. De ses textes, s'échappent les effluves d'une mélancolie prégnante, même dans les moments décalés (la reprise inattendue de Booba) ou humoristiques, l'hilarante « Mon mec ». Sur ce dernier titre, Alka choisit au hasard un homme dans le public qu'elle désigne comme son « nouveau mec ». Assis seul au cinquième rang, l'auteur de ces lignes avoue alors une pointe de jalousie. On reconnaît bien là l'actrice (qu'elle est également) dans cette manière d'interpréter chaque texte comme un rôle. Une belle première partie, en piano/voix, pour débuter la soirée.


Dans la vie, on peut soit hurler avec les loups, crier haut et fort à l'injustice ou, comme Alister, suggérer, au deuxième degré, plutôt que d'affirmer. Ainsi, ce dernier, derrière son humour et son je m'en foutisme de façade, ne se prive pas de laisser passer quelques piques bien senties (« Je travaille pour un con » dédicacé à une pauvre postière victime d'un AVC). Musicalement, Alister arpente un chemin guère usité de nos jours, celui de la chanson rock. Un genre typiquement français et ancré dans les années 1970, où le texte, soigné, côtoie des guitares frénétiques. Pas de nostalgie cependant, mais plutôt une volonté de prolonger une tradition, de s'intégrer dans la grande histoire de la musique populaire hexagonale. L'affaire est menée tambour battant, sur un tempo dingue, par un batteur véloce au bord de la crise d'apoplexie (on pense à « message personnel » de Françoise Hardy). Les lignes de basses sont énormes et, derrière son clavier, Alister peaufine le tout de notes de piano légères. Après une première partie au piano, Alister se saisit d'une deuxième guitare et c'est le concert qui bascule à la limite du garage rock. Fort !


Avant la sortie de son nouvel album « Mouvement Perpétuel » (chronique ici) prévue pour le 4 novembre, Alister retrouvera la scène des trois baudets (avec Alka, toujours en première partie) le 11 octobre prochain.

Dätcha Mandala : « Anâhata »



Déjà auteur de deux albums, Dätcha Mandala avait complètement échappé à notre radar. Et c'est absolument regrettable car, dans le genre rock/psyché sous influence blues 60s, le trio Bordelais s'impose comme une des meilleurs formations de l'hexagone, encore un signe, s'il en fallait un, de la vitalité de notre scène rock scandaleusement ignorée des médias nationaux. Mais il s'agît là d'un autre (et interminable) débat. Ce nouveau 45 tours du groupe, produit avec grand soin, fait montre d'une belle maîtrise. Le premier titre « Misery » commence comme une douce ballade au piano, aérienne, une belle envolée lyrique, progressive, une superbe machine à remonter le temps. La face B, « Mojoy » montre une autre facette, nettement plus nerveuse, du groupe. Les guitares, acoustiques pour commencer, montent de plusieurs crans dans l'électricité une fois l'intro passée. Blues et heavy, la chanson est électrisante et foudroie l'auditeur sur place. Led Zeppelin n'est jamais bien loin, le chant en particulier rappelle Robert Plant. Une belle réussite mais qui nous laisse sur notre faim. On attend la suite de pied ferme.


mardi 27 septembre 2016

Johnny Mafia : « Michel-Michel Michel »



Nouvel avatar garage rock venu de Sens, Johnny Mafia, sort son premier album. Soyons clairs, il est entendu que le groupe n'invente rien mais le fait avec une classe certaine. Pour faire simple, Johnny Mafia, c'est du rock, lourd et puissant, qui joue fort et qui va vite. Tout ce qu'on aime par ici. Armé de la candeur et de la rage de ses vingt ans de moyenne d'age Johnny Mafia file sur la highway du rock n'roll, les chansons ne dépasse guère les quatre minutes, les huit titres de l'album s'écoutent comme un shot énergisant. Ce qui n'empêche nullement une certaine ambition musicale prenant les traits d'arrangements psychédéliques/barrés arrivant comme un cheveu sur une soupe de décibels (« Black Shoes », l'excellente « Smell »). Pas foncièrement original, mais là n'est pas le propos, le groupe s'empare de l'héritage Ty Seagall/Thee Oh Sees, avec acuité et autorité. Pas mal du tout.
En concert le 5/10 à Paris (Petit Bain)



lundi 26 septembre 2016

Toybloid à la maroquinerie le 5 novembre


Festival de Marne 2016


Le Festival de Marne fête ses trente ans en grandes pompes du 29 septembre au 19 octobre dans une vingtaine de villes du département. A noter cette année une première collaboration avec la Maison des Arts de Créteil pour une alléchante affiche Rover et Julien Barbagallo (le batteur de Tame Impala) le 8 octobre... 
http://www.festivaldemarne.org/

dimanche 25 septembre 2016

Vincent Peirani & Heo Yoon Jeong, Maison des Arts de Créteil, Festival d'Île de France, 24 septembre 2016


Infatigable aventurier du jazz, l'accordéoniste aux pieds nus Vincent Peirani fait escale en Asie le temps de cette création originale en compagnie de la musicienne Coréenne Heo Yoon Jeong. Cette dernière est une virtuose du geomungo, imposant instrument traditionnel, une sorte de cithare frettée dont les six cordes se jouent à l'aide d'un bâtonnet, produisant un son mat et des notes assez brèves. Accompagnés par une formation complète (percussions, guitare, contrebasse et flûte), les deux musiciens revisitent en musiques plusieurs pays Asiatiques (la Corée bien entendu mais aussi le Japon ou l'Indonésie) reprenant des thèmes traditionnels sur un ton alternant entre le classique et le jazz croisant le tout à l'occasion avec une culture plus populaire (le concert s'achève sur une reprise de « Bang bang »). Il est très intéressant d'observer la façon dont les instruments, et au-delà les cultures, dialoguent ensemble, en particulier le geomungo et les percussions. Dans ce contexte, Stéphane Edouard, le percussionniste fait forte impression, joie faite homme, un éternel sourire géant fixé sur le visage, le musicien vit littéralement le rythme faisant vibrer la salle. Derrière son piano à bretelles, Vincent Peirani hérite d'un rôle généralement dévolu au pianiste ou à l'orgue, soutenant les compositions de nappes ou partant dans de folles envolées. La formation, compacte, maîtrise à la perfection les différences de volume, certaines compositions se terminant sur des notes très faibles à peine effleurées, un grand silence règne dans la salle, l'auditoire est captivé. Le geste, le mouvement musical, apparaissant ainsi dans toute sa splendeur. Une magnifique création originale.
En concert le 26/09 au Théâtre des Bouffes du Nord (Paris)


samedi 24 septembre 2016

RavenEye : « Nova »



Après un EP dévastateur, le surpuissant trio Anglais RavenEye est de retour avec un premier album en bonne et due forme. Guitariste passé par le blues, influence encore assez prégnante sur l'EP, Oli Brown délaisse ses premières amours au profit d'un son plus massif et direct. Quelque part entre le rock garage des années 60 et le hard/heavy des décennies suivantes, RavenEye trouve son bonheur dans une ambiance délicieusement rétro remettant au goût du jour les soli grandiloquents sans jamais tomber dans la parodie stérile et il s'agît là d'un petit exploit (épique « Supernova »). Dopé par une section rythmique véloce et cependant pleine de groove, la guitare trouve là un terrain idéal pour s'exprimer sans retenue. Le groupe fonctionne selon une dynamique alternant la tension et la détente (cf. « Inside ») entre couplets agressifs au possible et refrains progressifs où traînent encore malgré tout quelques restes de blues ("Oh my love"), comme quoi on ne se refait jamais tout à fait. Entre Blues Pills et Rival Sons, RavenEye trouve ainsi son créneau et il ravira tous les fans de six cordes et de gros son.
En concert le 3 octobre à Paris (Flèche d'Or)



vendredi 23 septembre 2016

The Black Painters : « All the sad and stupid songs of all time seem written for me now »



En musique, comme en tout autre chose, la confrontation d'univers différents donne des résultats, étonnants, intéressants, souvent inoubliables. The Black Painters est un de ces groupes formés par un heureux concours de circonstance, un hasard, une sorte de sérendipité musicale. D'un côté, on retrouve Matthieu Miegeville, chanteur d'obédience métal connu pour donner de la voix dans des formations aussi radicales que My Own Private Alaska ou PSYKUP. A l'autre bout du spectre se trouve Rémi Panossian un pianiste œuvrant dans un registre jazz. Quelles étaient les chances pour ces deux musiciens de se retrouver ensemble dans un même studio d'enregistrement si ce n'est par hasard ou par accident ? En acceptant de sortir de leurs zones de confort respectives, les deux protagonistes se sont mis en danger et ont gravé sur bande un disque extraordinaire, une sorte d'hybride, tout à fait inédit, entre jazz et punk. Entre le rien et l'infini, Rémi et Matthieu ont réussi à trouver une sorte de terrain d'entente pas si neutre que ça. Le disque est d'une puissance inouïe (« J.A.M.O.T. ») où l'orage et la tension gronde dès la première seconde (« Drink On »). A peine posé sur la platine, on sait déjà que l'on tient une perle rare évoluant sur une ligne fragile à la fois totalement classique, on y entends guère que du piano et de la voix, mais intrinsèquement originale. Un album rock, heavy, voire même violent par moments, sans la moindre note de guitare ! Et sans jamais renier non plus le swing hérité de la moitié jazz du duo (la magnifique « Paris May »). Voilà le genre d'album que pourraient graver Trent Reznor et Maynard James Keenan s'il leur prenait un jour l'idée folle de faire un disque piano/voix. Ce risque Rémi et Matthieu l'ont pris et la récompense est à la hauteur. Bien plus qu'une simple curiosité, une réussite éclatante.

jeudi 22 septembre 2016

Alister : « Mouvement Perpétuel »



Manière de Dandy égaré au 21ème siècle, Alister reprend à son compte l'héritage de la pop française, délaissé par une pléthore de groupes, trop occupés à baragouiner dans un anglais approximatif. Alister, donc, sort son troisième album et il s'intitule « Mouvement perpétuel », comme une sorte de métaphore de l'histoire de la musique populaire, dans un mouvement en perpétuel renouvellement où tout se recycle, il y a toujours un fantôme qui traîne, une mélodie qui en rappelle une autre. En l'espèce, Alister s'en sort bien. Très bien même. La production est soignée aux petits oignons, les arrangements, audacieux, picorent dans le catalogue des musiques populaires, un peu rock (« Fils de »), beaucoup de pop, de la chanson au piano (« Les filles entre elles », "Philoscaline") et même un soupçon de disco (ne fuyez pas!) sur « Avant/après ». Rythmiquement parlant, la chose est très solide, sur des tempi plutôt élevés, portés par une basse énorme (instrument qui est finalement mis plus en avant que la guitare) et entretient un contraste assez intéressant avec le chant, traînant, détaché et légèrement nasillard, quelque part entre Gainsbourg et Bashung. Un décalage que l'on retrouve entre le fond et la forme, dans cette manière détachée de balancer des paroles piquantes et bien senties (« Fils de », « Je travaille pour un con »). C'est à la fois subtil et percutant. Avec « Granny smith » Alister nous offre une ode, un poème d'amour à la pomme, le genre de chanson décalée et rafraîchissante que l'on entend plus guère de nos jours. Mais c'est dans ses moments les plus baroques et psychédéliques que l'album finît par nous séduire pour de bon, la magnifique « Cathédrale » (d'obédience Polnareff) ou « Honni soit qui mal y pense » (qui rappelle plutôt Gainsbourg). Un disque de haute tenue.
En concert les 27/09 et 11/10 à Paris (Les Trois Baudets).

Fantastic Negrito, Petit Bain, 20 septembre 2016.



On avait eu, il y a quelques semaines de cela, l'occasion de s'extasier sur le premier album, terriblement classe de Fantastic Negrito. L'artiste vient de prendre une toute nouvelle ampleur à nos oreilles après sa prestation dévastatrice sur la scène du Petit Bain. Cela commence par un riff de guitare ravageur, soutenu par une nappe d'orgue gorgée de groove, ce dernier élément souligné par une batterie d'une puissance incroyable mais au swing hors pair. Et puis il y a Xavier, le chanteur, follement charismatique, aux pas de danse extatiques, qui ravit le public des anecdotes héritées de sa vie passée (visiblement il a trempé dans des trafics un poil louches) mais qui n'a également de cesse d'alerter le public sur la violence latente pourrissant la vie de ses concitoyens étasuniens. De la musique avec une conscience, la définition même de la soul. Transcendant les genres musicaux auxquels il s'attache, Fantastic Negrito pratique un explosif cocktail à base de groove et de puissance. Le genre de mélange à mi chemin du rock garage, du blues et de la soul (avec un soupçon de hip hop dans les rythmiques) que l'on associe généralement à la scène garage, on pense à des groupes comme les BellRays ou les Dirtbombs. Une claque musicale longue d'une heure et demie. Et le public qui balance les bras en rythme et applaudit à tout rompre. Ne vous y trompez pas, il s'agit d'une révélation scénique majeure.

dimanche 18 septembre 2016

Nick Waterhouse : « Never Twice »



Le titre « Never twice » peut laisser supposer que Nick Waterhouse est décidé à ne jamais refaire deux fois le même album. Pour autant, ce troisième effort ne déstabilisera pas les fans de Nick. On pourrait même parler de retour aux sources, ce nouvel album marquant les retrouvailles avec Michael McHugh, le producteur de ses débuts. Toujours fidèle à ce son vintage qu'il aime tant, ce nouveau disque marque cependant une nouvelle étape dans la carrière de Nick Waterhouse, creusant encore un peu plus profondément le sillon rétro. Délaissant (un peu) la soul et le rhythm n'blues de ses débuts (« The Old Place »), Waterhouse élargit son spectre sur ce nouveau disque s'ouvrant à de nouvelles inspirations venues du jazz (on note les participations du flûtiste Bob Kenmotsu et du saxophoniste Ralph Carney) ; de l'art d'innover en restant fidèle à soi-même. Ludique, l'album multiplie les clins d’œil (« It's time » rappelle « Love letters » de Metronomy, « Tracy » sonnant comme du Ray Charles). Le résultat est somptueux, très riche (à l'image des huit minutes aventureuses de « Stanyan Street », l'instrumental « Lucky Once »), et pratique un swing ouaté, nourri aux percussions latines, avec élégance. Un album nocturne, idéal pour les longues soirées de l'hiver…
Sortie le 30 septembre


vendredi 16 septembre 2016

Desert Mountain Tribe, l'Alimentation Générale, 15 septembre 2016.



C'était le petit événement du jour pour tous les fans de rock psyché, Desert Mountain Tribe a joué à Paris et cela s'est passé dans le petit bar de l'alimentation générale. On avait déjà dit (par ici) tout le bien que l'on pensait du premier album du groupe, un des plus puissants venu d'Angleterre depuis bien longtemps. Sur scène le trio ne perd rien de cette proverbiale puissance et réussit, à trois seulement, à couvrir un large spectre d'émotions. La musique est ainsi faite, de montées en puissance, suivies de descentes vertigineuses, d'arpèges délicats auxquels succèdent des attaques féroces de guitare. La basse est tenue par Philipp, et derrière son air emprunté, gauche, son instrument joue un rôle prépondérant. A travers le filtre de nombreux effets fuzz, Philipp réussit à donner l'illusion d'une deuxième guitare (un peu comme chez Royal Blood) qui, mélangée à la vraie guitare de Jonety, bâtit un impressionnant mur du son. Derrière sa batterie, Felix, l'air de ne jamais vraiment se départir de sa rigueur toute germanique, tient la baraque d'une main de fer, les temps sont appuyés, creusés au maximum, ponctués de descentes et de breaks. A ce niveau là, la transe n'est jamais bien loin. Ce groupe mériterait amplement de sortir du circuit confidentiel des bars pour s'attaquer à de plus grosses scènes. Ils en sont largement capables. Et c'est là tout le mal qu'on leur souhaite.


jeudi 15 septembre 2016

The Fleshtones : « The band drinks for free »




Véritable institution du rock underground US, The Fleshtones est de retour… Avec un 21ème album ! A ce jour, le groupe fait figure d'exception. Depuis leurs débuts en 1976, ils n'ont jamais cessé de jouer, de tourner, d'enregistrer, même lorsque le chanteur Peter Zaremba officiait sur MTV comme présentateur de l'émission « Cutting Edge » durant les 80s. Pas une année blanche en 40 ans de carrière, ça force le respect ! Sans hit majeur à son répertoire, les Fleshtones ont passé leur carrière loin des spotlights de la gloire, sans jamais décrocher la timbale auprès du grand public tout en gagnant le respect de leurs confrères. Des musicians's musicians, ayant influencé une pléthore d'autres groupes. Ils sont encore là, dans une forme éclatante, leur fans, peu nombreux mais loyaux, accrochés à leur basques. Ils ont survécu à tout, à la fermeture du CBGB (où ils ont débuté), au 11 septembre 2001 (ils sont parmi les derniers groupes à avoir jouer au Windows on the world, le restaurant qui était situé au dernier étage du world trade center). Avec un tel passé rock n'roll, il ne faut pas s'attendre à une grande révolution musicale. Aujourd'hui, ils seraient plutôt du genre à adopter une posture tournée vers le passé, reprenant Ten Years After ou lançant une petite pique à Rick Wakeman (le clavier de Yes). Le groupe possède son savoir-faire, sa manière de sonner qu'il répète à l'envie depuis les seventies. Le véritable miracle étant de toujours faire, peu ou prou, le même disque tout en gardant fraîcheur et enthousiasme pour finalement ne jamais lasser l'auditeur. On retrouve donc ici toutes les qualités qui ont fait des Fleshtones un de nos groupes fétiches : orgues acides, guitares sur-vitanimées, influences venues du blues, de la soul, du rock n'roll et un soupçon de power pop plus affirmé que par le passé, moins brut de décoffrage (« How to make a day »). A noter avant de finir la participation, judicieuse, de Lisa Kekaula, la chanteuse de nos BellRays adorés, sur la relecture de « Love like a man » (Ten Years After). Avec son nouvel album, attachant sans être majeur, sous le bras, le groupe a bien mérité de boire des coups gratuitement !

mercredi 14 septembre 2016

Spring King : « Tell me if you like to »



Après des années à se débattre dans les affres du « Do it yourself », les Mancuniens de Spring King sortent un premier album aux antipodes de la tradition musicale (Joy Division, Smiths, Stone Roses, Oasis) séculaire de la vénérable cité du nord de l'Angleterre. En effet, ce premier effort est avant tout une affaire d'équilibre, celui délicat sur lequel repose leur musique, au croisement de la pop et du rock garage assez enlevé, pratiquant une sorte de pop déglinguée jouée à 200 à l'heure, le pied au plancher avec réussite : le morceau titre "Tell me if you like to" se révélant même franchement addictif. L'album démarre sur une note urbaine, les potards à fond dans le rouge, avec un « City » suivi d'un « Detroit » aux guitares dévastatrices. Force est de constater que tout au long de ces dix plages, la tension ne retombe jamais vraiment, même les moments plus apaisés (« It's so dark / Take me away») brûlent d'un feu intérieur menaçant de s'embraser à tout instant. C'est finalement les paroles qui relient Spring King à Manchester, renouant avec une certaine mélancolie propre à cette ville du nord de l'Angleterre (Smiths, Joy Division) contrastant avec les mélodies plutôt festives. C'est une belle découverte.
En concert le 30 septembre au Point Éphémère.

mardi 13 septembre 2016

The Computers : « Birth/Death »



« Je crois que je suis arrivé en ce monde un peu triste », ainsi commence ce nouvel album des Computers sur une note gospel légèrement dramatique. « Birth/Death » puisque c'est ainsi que se nomme ce nouvel effort comme la naissance d'un nouveau groupe découlant de la disparition de l'ancien. C'est un nouveau départ pour les anglais qui n'ont plus peur d'aborder des thèmes plus sombres, comme, par exemple, un réveillon en solitaire (« NYE ») : tu voulais connaître les nouvelles, t'as le blues (« Want the news, here's the blues »)! Musicalement, les influences du rock n'roll, des années 50, s'effacent peu à peu au profit d'une nouvelle approche : un peu moins de piano, des beats nouveaux (« Mother »), c'est toute la dynamique qui animait jusqu'à présent les Computers qui est remise en cause avec ce nouveau disque. Qui aurait pu imaginer un titre comme « God only knows » ? Le quintet n'a pas eu peur de tout rénover du sol au plafond, mais, cependant, la rage qui anime le groupe est toujours intacte mais s'exprime différemment (« This ain't right »). Pas dénué d'intérêt, « Birth/Death » a ses bons moments (« Pound for pound », « Crucifixed on you ») mais « Love Triangles, Hate Squares » reste notre album préféré des Computers et quelque chose nous dit que cela n'est pas près de changer…


dimanche 11 septembre 2016

The Jayhawks + Joana Serrat, Le divan du monde, 9 septembre 2016.



On commence par souligner la prestance de la jeune Joana Serrat, artiste Catalane, originaire de Barcelone que l'on a pu admirer en première partie. Seule avec sa guitare en main, Joana nous a fait voyager le long de routes imaginaires, sur un mode tantôt mélancolique, cordes arpégées, tantôt sur une dynamique plus enlevée les cordes frappées à pleines mains. Visiblement un peu impressionnée par le lieu, son harmonica a failli tomber en plein morceau, la pauvre en était toute contrite, Joana nous a ravit, une petite demi-heure durant, par la variété de paysages qu'évoque sa musique nerveuse et rêveuse à la fois. Tout chez elle est suggéré plutôt que violemment affirmé et se joue sur la retenue. Si les fantômes du passé ne rôdent jamais bien loin, Joana ne recycle pas le folk sixties à l'envie pour autant et réussit à exprimer des émotions personnelles par le biais de sa guitare. Un beau moment et un jeune talent à suivre…

Le show commence avec l'enregistrement du carillon d'une église. « Ce sont les cloches juste sous ma fenêtre à Minneapolis » affirme le chanteur Gary Louris. Les Jayhawks et la France, c'est une histoire en pointillés, la chronique d'une romance ratée tout simplement par ce que les Jayhawks sont très rarement venus nous voir (on a retrouvé les traces de passages au Hot Brass, l'actuel Trabendo, en 1995 et à la boule noire en 2000). Les occasions de voir ce groupe en concert en France étant extrêmement rares autant dire que la prestation du soir revêt un caractère exceptionnel… C'est donc tout ébahis et les yeux grands ouverts que l'on a admiré pendant près de deux heures ce groupe fantastique. En effet les Jayhawks sont avant tout un assemblage d'excellents musiciens, le bassiste Marc Perlman en particulier nous a impressionnés par son sens du placement, le groove inné de ses lignes et la puissance avec lesquelles ces dernières sont délivrées. Le batteur Tim O'Reagan possède un art de la descente à l'avenant : cette section rythmique pratique un swing puissant à toute épreuve !

Lorsqu'on évoque les Jayhawks et ce style de country/rock/folk, les clichés abondent sans tarder, il est alors question de ruralité, de CSN, bla bla bla... Très clairement, les Jayhawks boxent dans une toute autre catégorie. Bien loin d'être de simples revivalistes, le quintet mené par Gary Louris transcende les traditions en injectant une bonne dose de modernité noisy (tout à fait étonnante) dans ses guitares, à la limite du showgaze expérimental, tout en restant fidèles au format chanson. Idem pour les claviers, dont les boucles sont utilisées avec à propos, évitant toute surenchère, toujours à bon escient : c'est fort ! Comme le disait Gary Louris : « On devrait revenir plus souvent ! »...


samedi 10 septembre 2016

Hildebrandt : « Les Animals »



Pas tout à fait un nouveau venu, (Wilfried) Hildebrandt a sorti trois albums avec son groupe COUP d'MARRON avant de se lancer en solo. De son groupe Wilfried a gardé un certaine appétence pour le verbe, l'écriture dans la langue de Voltaire ce qui ne manque pas de le placer comme un héritier, ou plutôt un nouveau héros de la chanson française dépoussiérée.

Si la pochette un brin rétro, sur laquelle il trône tel un Lee Hazlewood, évoque celle d'un vieux vinyle, la musique d'Hildebrandt se joue de tous les clichés généralement associé au « vintage ». De re-création il n'est point question ici. Il s'agirait plutôt de réinventer la chanson (cf. « Gracias »). Mélanger le verbe en français à un habillage musical savamment étudié, à la fois synthétique et organique (voire acoustique cf. « C'est jamais loin »), mettant sur un pied d'égalité une guitare nerveuse et entraînante (« Les animals », la meilleure du lot) et des arrangements hérités de la scène électro (« Vos Gueules »), sans jamais se départir du format chanson, se situant à l'exact croisement du rock, de la pop et de la chanson. Une belle réussite.

vendredi 9 septembre 2016

Joana Serrat : « Cross the Verse »



Jeune talent, Joana Serrat s'exprime dans un idiome bien éloigné de sa Catalogne natale, que l'on résume par le terme d'Americana, majoritairement acoustique, entre folk et country. Autant de genres auxquels elle apporte sa sensibilité européenne donnant sa propre version de la chose, (cf. « I saw you », « I Follow you child »), délicate (cf. « Saskatoon », « Cloudy hearts ») et parfois colorée de teintes sombres et fantomatiques (« Lonely hearts Reverd », qui ouvre l'album sur une note dark pas forcément représentative). Ailleurs, ce ne sont que guitares arpégées avec soin et bottelneck glissés avec précision (« Flags », "Solitary Road") parfois rehaussé d'une envolée pop aux guitares nerveuses (« Tug of war »). Enregistré à Montréal avec l'aide précieuse d'Howard Bilerman (un ex d'Arcade Fire) ce troisième album rappelle un chef d’œuvre du folk/rock Canadien « The trinity session » des Cowboy Junkies (1988) reprenant à son compte la lenteur assumée, l'hiératisme conférant un caractère sacré à ce disque. Avec ce nouvel effort Joana Serrat assume sans complexe l'héritage des filles à guitare, ajoutant une nouvelle lignée à cette tradition entamée dans les années 1960. C'est une belle découverte.
https://www.facebook.com/JoanaSerrat
https://twitter.com/joanaserrat
En concert le 09 septembre à Paris (Divan du Monde, première partie des Jayhawks)

jeudi 8 septembre 2016

The Jayhawks : « Paging Mr. Proust »



Longtemps les Jayhawks ont été le groupe d'une hydre à deux têtes, Mark Olson et Gary Louris. Leur musique était le résultat d'une magnifique complémentarité, un guitariste acoustique/harmoniciste d'un côté (Olson) et un autre guitariste, au son électrique et furieux de l'autre (Louris). Entre délicatesse folk et fulgurances fuzz, la musique des Jayhawks offrait un panorama à 360° de tout ce que l'on aime dans le rock étasunien, l'album « Hollywood town hall » (1992) faisant office de chef d’œuvre, un peu oublié de nos jours. Puis Olson est parti, revenu, reparti. Le groupe s'est séparé, rabiboché, trente ans après leurs débuts, les Jayhawks sont toujours là, sous la férule du seul Louris. Même amputé de son co-fondateur (l'historique bassiste Marc Perlman est par contre toujours là, lui) les Jayhawks sont toujours capables de très beaux moments de musique. Seul à la manœuvre, Louris emmène le groupe sur un terrain différent mais similaire. Les influences country et folk s'effacent peu à peu ("The devil is in her eyes" ressemble toutefois au Jayhawks d'avant) au profit d'une démarche plus ouvertement rock voire indie (« Lost the summer »), un apport de Peter Buck (ex-REM) qui a co-produit le disque ? Ailleurs (« Leaving the monster behind », « Pretty roses in your hair ») le groupe évoque toujours les grands espaces et la route empruntant une voie hybride entre pop et americana (« Isabel's daughter », l'étonnante « Ace » délicatement noise). A la fois novateur et fidèle à leur tradition, les Jayhawks sont de retour avec un chef d’œuvre de plus. On n'en attendait pas moins de ce groupe, une valeur sûre établie depuis de longues années…
En concert le 9 septembre à Paris (Divan du monde)

Interview avec Vincent Delsupexhe (Tennessee Paris)








Le 15 septembre prochain est à marquer d'une pierre blanche. En effet, ce jour verra l'ouverture d'un nouveau lieu consacré au blues. Voici quelques questions posées à Vincent Delsupexhe, Co-fondateur du Blues Rules Crissier Festival, président de l'association Blues Rules France, et D.A. bénévole de ce nouveau Blues Club de Paris, le Tennessee Paris


Quelles sont vos motivations pour ouvrir un bar blues à Paris, pensez-vous combler un manque ? 
Vincent Delsupexhe : Ouvrir un bar à Paris était le souhait de Jim (Halimi, Propriétaire du Tennessee Paris depuis juillet 2016, manager du Pub Great Canadian depuis 10 ans, ndlr) depuis longtemps, puis il y a eu cette opportunité de reprendre le Tennessee Jazz Club, ancienne belle scène du quartier latin depuis 1989 malheureusement tombant dans l'oubli...

Quant à moi (Vincent) je souhaitais depuis longtemps pouvoir promouvoir à Paris la musique live (surtout le Blues), sans vraiment savoir comment, ni où.

Comment les choses se sont-elles décidées ? 
VD : Après une visite des lieux et malgré la masse de travaux à apporter, Jim décide que ce sera là, son bar !

Et parce que nos enfants fréquentaient la même crèche on a discuté de tout, de rien, de nos métiers et passions respectifs et il m'a parlé de ce projet, m'a demandé si je pouvais lui donner un coup de main pour refaire vivre la scène et le challenge m'a plu !

Quelles sont vos ambitions pour ce nouveau lieu ? 
VD : Sur un plan purement artistique, j'aimerai que l'esprit du lieu soit le même que celui du festival Blues Rules que j'ai monté il y a 7 ans avec Thomas (Lécuyer, ndlr) en Suisse. Un endroit où viennent jouer des musiciens talentueux qui ne passent pas à la radio, qui sont boudés par les gros festivals, qui tournent de bar en bar, qui jouent pour les gens... Bref un lieu de rencontres et de découvertes.

L'idée serait aussi d'accueillir des musiciens de plus grande renommée, faire des after-show accoustique après leur concerts dans les grandes salles parisiennes, prêter le lieu les après-midis (et les soirées) pour des mini-showcase, des interviews sorties des chambres d'hôtel...
Etre un lieu mis à disposition pour des cours de musique collectifs...

Accueillir deux fois par semaine un Stand up 100% in English "Explicit French" à partir du 26 septembre, tous les lundi à 19h et les vendredi à 20h30.

Etre un lieu pour les familles où les dimanche la salle du bas serait réservée aux enfants, et pourquoi pas y faire des activités artistiques !

Mais avant tout être le Blues Club de Paris !

Pouvez-vous nous décrire l'endroit ? 
VD : Le lieu est sur 2 niveaux, une salle en rez-de-chaussée avec un long comptoir, des coins cosy et une grande table centrale, pouvant accueillir 80 personnes qui est restée ouverte durant tous les travaux cet été, et en sous-sol la scène dans une salle pouvant accueillir un peu plus de 50 personnes, qui elle ouvrira le jeudi 15 septembre pour notre première soirée, avec Rene Miller et Johnny Montreuil.

On a voulu ce lieu sans trop de fioritures, simple comme un bar de Nashville, les néons Coors en moins. Un Dive bar où l'on se sent à l'aise.

Et puis, cette pompe à bière en forme de Fender, c'est quand même classe !

Pensez-vous vous ouvrir à d'autres styles de musiques annexes (rock n'roll, soul etc...) ? 
VD : Le Blues a ouvert d'autres styles de musique ! La célèbre phrase de Willie Dixon "The Blues are the roots, the rest are the fruits*" en est la meilleure explication.

Donc au Tennessee Paris on ne sera pas sectaire, vous aurez du Blues bien roots, mais aussi du Old Time, du Rock, de la Folk (un peu), du Bluegrass et du Hillbilly, éventuellement du Jazz, sans oublier des courant plus récents dérivés eux aussi du Blues avec du Stoner soft ou du Blunk pas trop appuyé... sans oublier des DJ vinyls mixant des vrais tubes de blues et rock ! bref on va essayer de faire ce qui est fait depuis 2010 au Blues Rules : un lieu de découvertes musicales autour du Blues.

Donc au programme, au moins 3 concerts gratuits par semaine, de 20h30 à 23h, et pour le mois de septembre ça donne :

Jeudi 15 : Great opening! avec Rene Miller + Johnny Montreuil

Lundi 19 : The Cuckoo Sisters (Old Time & Hillbilly)

Mardi 20 : Steve Tallis (Blues Shaman Australian Griot)

Mercredi 21 : Dr. David Evans (Downhome Blues from Memphis)

Vendredi 23 : Tarq Bowen (Rhythm & Blues - UK)

Lundi 26 : The Dad Horse Experience (Keller Gospel)

Mardi 27 : BlackGrass (Cabaret rock & Garage jazz)

Mercredi 28 : Yom From Mars (Blues & Rock)

Voilà pour septembre, et octobre suivra le même rythme d'enfer ! (normal pour la musique du diable)

*"Le Blues est les racines, les autres musiques en sont les fruits"

Infos pratiques :
12, rue André Mazet, 75006 Paris - France
bar@tennessee.paris
Tél. : 01 71 50 45 83
Un grand merci à Vincent et à Nicolas Miliani ! Propos recueillis par email le 08 septembre 2016.

mercredi 7 septembre 2016

Mondo Generator + Bukowski + Loading Data, La Maroquinerie, 5 septembre 2016.




Des concerts à la maroquinerie, on en a vu un paquet au cours de ces dernières années. Mais en termes d'électricité, d'intensité et de décibels, il y a fort à parier que la soirée de lundi dernier reste dans les annales…

Loading Data

On commence avec une apparition miraculeuse, celle de Loading Data sur une scène parisienne, après plus d'un an de pause scènique. Auteur d'un album majeur (« Double disco animal style ») il y a trois ans, Loading Data est une machine bien rodée évoluant sur un équilibre subtil entre puissance d’exécution et finesse groove. Le jeu du batteur Robin résume à lui seul le son Loading Data entre force de frappe démentielle mais jamais dénuée de feeling, multipliant les descentes dans tous les sens sur les tomes. Le set est mené sur un train d'enfer, comme sur une highway traversant le désert, bien soutenu par une basse solide (la musicienne est de plus mimi comme un coeur) et par des guitares puissantes entre blues (un bottelneck fait une apparition sporadique) et métal, procurant une sensation d'hypnose rock ; il y a décidément quelque chose d'entêtant et d'hypnotique dans ce groupe. Et impossible de terminer sans évoquer le mystérieux chanteur, Lo, qui dorénavant se fait appeler Bible Jones. Grand (1,80 m facile sous la toise), carré d'épaules, impeccablement gominé, le visage taillé à la serpe, il y a chez lui quelque chose qui d'emblée vous laisse penser qu'il vaut mieux s'abstenir de faire le malin. Donnant l'impression d'avoir débarqué sur une moto vintage, une sorte de cow boy de la ville, Lo est, qui plus est, un  chanteur marquant doté d'un timbre inoubliable, grave et puissant, un véritable crooner rock. Une excellente formation que l'on espère revoir plus souvent sur scène. Hélas, il semblerait qu'aucune date ne soit prévue dans l'immédiat, rendant le concert du soir encore plus exceptionnel...

Lo, chanteur de Loading Data
A peine remis de nos émotions et voilà Bukowski qui déboule sur la petite scène de la maroquinerie. D'obédience skate/punk, il y a quelque chose de nostalgique dans ce groupe qui nous rappelle le début des années 2000. Carré, efficace mais pas foncièrement original, Bukowski reprend à son compte certaines formules éprouvées : faire asseoir le public par terre (on a fait la même chose à un concert d'Enhancer il y a des années) ou diviser le public de la fosse en deux pour que tout le monde se rentre dedans dans un pogo joyeusement bordélique (idem on faisait pareil avec Pleymo il y a bien longtemps). Cependant, on ne peut pas retirer à Bukowski son enthousiasme et sa sincérité à faire du boucan. Une formation attachante en dépit de toutes les grosses ficelles de sa musique.


Place pour finir au gros morceau de la soirée Mondo Generator, trio mené par le légendaire bassiste Nick Oliveri. Débuté au mitan des années 1990 comme un projet parallèle des Queens of the stone age, Mondo Generator a repris de l'importance dans la carrière d'Oliveri après son éviction de QOSTA. Continuant sa carrière dans un relatif anonymat (fini depuis belle lurette la couverture de rock n'folk) par rapport à ses ex-comparses, Nick Oliveri n'est pas à la recherche de respectabilité musicale contrairement à d'autres vieux potes (Dave Grohl). Non, non, Nick, lui, continue de gueuler dans le micro et de marteler ses quatre cordes sur les vieux tubes sur un mode plus punk que stoner. C'est à la fois la beauté de la chose, c'est grâce à des gens comme lui que le rock reste cette musique sauvage et dangeureuse, mais aussi sa limite…

lundi 5 septembre 2016

Pete Astor + Bill Pritchard, Le Petit Bain, 3 septembre 2016.


Bill Pritchard, Le Petit Bain, 3/09/2016 (c) Régis Gaudin

Pete Astor (ex-The Loft, ex-The Weather Prophets) et Bill Pritchard, deux songwriters, britanniques, de la même génération, celle des années 1980. C'est l'histoire de deux destins parallèles, celui d'un retour aux sources après une longue absence. C'est aussi une magnifique affiche pour débuter cette nouvelle saison de concerts. Pour son premier « vrai » concert depuis des lustres sur une scène parisienne, Bill Pritchard, très classe avec son chapeau doté d'une plume, se présente dans une formation trio assez inhabituelle comptant dans ses rangs son fidèle producteur Tim Bradshaw qui tient la basse avec sérieux et application et Mike Rhead (également présent sur l'album) à la guitare électrique (son clair), Bill se chargeant de la guitare acoustique et du chant. Ravissant ses plus anciens fans, Bill a régalé son public piochant sa setlist dans une sélection resserrée de quatre albums : « Three months, three weeks and two days » (1989, produit par Etienne Daho), « Jolie » (1991) et ses deux dernières sorties « A trip to the coast » et « Mother town hall ». Cette formation semi-acoustique fait ressortir la beauté intemporelle des chansons et des harmonies. Même si certains titres y perdent au change (« Vampire in New York » sans la couleur jazz qui fait tout son charme) d'autres y gagnent un éclat suranné propre à faire fondre les oreilles (« Saturn & Co » et ses harmonies vocales). Quel plaisir enfin de redécouvrir en live ces vieux titres : « Number five », la sexy/langoureuse « I'm in love forever », « We were lovers », « Tommy & Co », la mélancolique « Sometimes », « Romance sans paroles »… Et puisqu'on est à Paris, Bill ne pouvait pas quitter la scène sans un clin d'oeil au « good old » et regretté Daniel Darc, le temps d'un « Rien de toi » extrait de « Parce que » (album sorti en duo avec Daniel Darc en 1988). Un chouette moment de musique, hélas trop court, une petite heure qui passe trop vite, aussi charmant qu'une ballade dans un jardin anglais…
Bill Pritchard, Le Petit Bain, 3/09/2016 (c) Régis Gaudin
Un peu plus tard, Pete Astor, toujours svelte, a également ravi le public dans un style de pop plus électrique et proche du Velvet Underground, tout en dissonances, à la fois accessible et expérimental, entre passages calmes et brusques montées dans les décibels. La batteuse jouant debout sur un kit rudimentaire (une cymbale, un tome basse et une caisse claire), rappelant Maureen Tucker du VU. Une excellente soirée.

samedi 3 septembre 2016

Theo Lawrence & The Hearts



Ex-chanteur des Velvet Veins, Theo Lawrence est de retour, accompagné de son nouveau groupe The Hearts avec ce 45 tours inaugural. L'univers musical de Theo est en constante mutation à la fois fidèle à ce qui faisait le charme des Velvet Veins mais ouvert à de nouvelles sonorités plus orientées soul. L'objet est particulièrement classieux et produit avec grand soin, un subtil mélange de rock, blues et soul inspiré par les années 60 et 70 mais avec une dynamique contemporaine. La voix de Theo a également évoluée et laisse transparaître une petite cassure typiquement soul au fond de la gorge. Enfin, ce 45 tours est conceptuel, la face A « Heaven to me » est une histoire d'amour éternelle alors que la face B « All along » évoque une rupture. Belle maturité pour un artiste à la vingtaine à peine déflorée !

vendredi 2 septembre 2016

Loading Data : « Double Disco Animal Style »



Le temps a ceci de merveilleux, il fait remonter à la surface les jolies pépites alors que tant d'albums oubliables tombent justement aux oubliettes. Ce disque n'est pas récent, même s'il s'agit de la dernière sortie en date du groupe, il remonte à facilement trois ans, une éternité à l'échelle de l'industrie du disque, qui, tel un minotaure, n'a de cesse de lancer des nouveautés. Mais si on prend le temps de revenir sur cet album, c'est parce qu'il vaut le coup, croyez-moi, et dans un monde parfait, il serait même considéré comme un classique en devenir ; produit par Alain Johannes (Them Crooked Vultures) et pouvant se targuer de la participation de Nick Oliveri (ex Qotsa, Kyuss). A moitié Américain, à moitié Français, Loading Data est un sacré groupe, relativement rare qui plus est, formé en 1999, le groupe ne compte que trois albums dans sa discographie (celui-ci est le dernier en date), il n'en faut guère plus pour parler de "culte". La classification en serait le stoner, ce rock heavy venu du désert, mais la classification on s'en fiche un peu l'album est sacrément bon, c'est bien là l'essentiel. De fait, « Double disco animal style » respire la poussière, la chaleur écrasante, le soleil de plomb, ce disque est fait de l'asphalte dégoulinant sous la chaleur, le long d'une interminable ligne droite bordée de cactus. Du blues, le quatuor en garde le feeling, des cordes de guitares subtilement glissées pour mieux le pervertir ensuite à grands coups de watts dévastateurs (« Watt »). Toujours heavy, le groupe n'en oublie pas le groove, la section rythmique qui, tel le carburant faisant avancer la muscle car, envoie Loading Data dans la stratosphère, tout droit dans le mur du son. L'alliance entre le gros son et cette souplesse rythmique fait des miracles, le groove animant les premières plages (« Double disco animal style », « Give the rat a name ») est absolument terrible impossible de ne pas être scotché par cette batterie et ces guitares ravageant tout sur leur passage : « Gift », « Armaggedon » autant d'hymnes totalement imparables. Et puis il y a cette voix, caverneuse et comme venue d'outre-tombe, c'est celle du chanteur mystérieusement nommé Lo, digne d'un Tom Waits, un véritable crooner rock ténébreux prêchant au beau milieu du désert, se heurtant à un mur de guitares ; écoutez le éructer, répétant à l'envie « write your name in blood » pendant les dix minutes hypnotiques et hallucinantes de « On my heart »... Gentiment barré Loading Data parfume, en sus, son rock, sentant le pétrole, d'effluves psychédéliques baroques (« I'm not gonna take it », « Butterfly Shelf », « Round and round », « Midnight situation »). « Double disco animal style » qui s'annonce comme un sacré cocktail, tient toutes ses promesses. Un disque appelé à faire date par sa capacité à transcender les genres les plus codifiés. A écouter séance tenante pour quiconque aime le rock, le vrai.
En concert le 5 septembre à la Maroquinerie (Paris).


jeudi 1 septembre 2016

Shel : « Just Crazy enough »



Derrière l'acronyme SHEL se cache les initiales des quatre membres du groupe : Sarah, Hannah, Eva et Liza, quatre sœurs qui ont grandi dans un ancien camping abandonné transformé en ferme dans le Colorado. Une enfance teintée de bohème hippie que le quatuor a su transformer en musique. SHEL c'est avant tout un bouillon de créativité permanente qui ne se limite d'ailleurs pas uniquement à la musique puisqu'elles fabriquent elles-mêmes leur costume de scène. Quatre personnalités aussi fortes ne pouvaient pas se contenter à l'envi de répéter les mêmes formules toutes faîtes dans un sacro-saint respect du passé. Bien au contraire, Shel réussit à rendre hommage à ses influences (Beatles, Led Zeppelin, Harry Nilsson) tout en les transformant pour totalement se les réapproprier. Le résultat se traduit par un excellent album pop classique, intemporel mais contemporain accrochant l'oreille sans peine (cf. « You could be my baby », « Let me do ») parfaitement mis en sons par le maître Dave Stewart. Ah oui, surtout, n'oubliez pas d'écouter leur reprise d' « Enter Sandman » (Metallica), on ne vous en dit pas plus mais vous n'êtes pas au bout de vos surprises…