lundi 16 février 2015

Festival sons d'hiver, Maison des Arts de la Culture, Créteil, 13 et 14 février 2015.


Vendredi 13 février : Bien plus que « d'hiver », les sons proposés par le festival sont réellement « divers ». Preuve en est donnée avec le grand écart effectué ce soir avec deux formations, emballantes dans des registres très différents. On commence avec le jazz du trompetiste Ambrose Akinmusire, musicien dont on parle de plus en plus en des termes élogieux. Pour la création du soir, le quintet (piano, contrebasse, batterie, cuivres) d'Akinmusire se retrouve augmenté de deux membres, le guitariste Charles Altura et l'incroyable chanteur Theo Bleckmann, qui vocalise bien plus qu'il ne chante, usant de sa voix comme d'un instrument soliste. Le jazz, relativement classique par ailleurs, d'Akinmusire prend alors une tournure planante et rêveuse. Iréel. Le phrasé du trompetiste rappelle un peu Miles Davis, reste à voir si Akinmusire aura la même capacité de transformation que son modèle. Chouette prestation.

Traditionnellement ancré dans les musiques « Noires » au sens large (jazz, reggae, soul, blues etc...) le festival Sons d'hiver ouvre parfois une petite porte vers le rock, genre abordé sous un angle expérimental (Pere Ubu l'année dernière) et souvent instrumental, Tortoise ou Massacre, que l'on voit à titre personnel pour la deuxième fois sur cette même scène de la MAC de Créteil. Lorsqu'il déboule sur scène, le super trio composé du guitariste anglais Fred Frith, du bassiste star Bill Laswell et de l'inusable batteur Charles Hayward, prend possession de ses instruments pour ne les lâcher qu'une heure et quart plus tard. Nous assistons alors à un flot de musique, et de sons, ininterrompu. Si Massacre il y a, c'est bien celui des structures conventionnelles couplet/refrain/couplet. L'incroyable section rythmique maintient la baraque à flot alors que Frith part dans l'exploration de sa guitare, tirant de cette dernière des sons improbables usant parfois d'accessoires divers tels qu'une serviette pour recouvrir les cordes ou d'un archet. A la batterie, Hayward impressionne par son sens du swing et sa capacité d'accélération/décélération. Dans ce contexte Laswell fait preuve d'inventivité, son jeu est imprégné de reggae, et ses différentes pédales d'effets apportent une note saturée et distordue. Véritable exploit, on ne perds jamais le fil de ce « free rock » pourtant tortueux à souhait. Quel groupe !

Samedi 14 février : En ce soir de la Saint-Valentin, on retombe amoureux de la musique une nouvelle grâce à un magnifique plateau orienté blues, gospel et soul. Premier à ouvrir le bal, Otis Taylor est un bluesman à part. Il y a déjà sa présence, imposante, sur scène et son visage (à moitié caché par une casquette) qui est un roman d'aventures à lui seul. Une gueule, pour résumer mais aussi une voix grave et profonde. Accompagné de ses quatre musiciens (deux violons, basse et batterie), Taylor (voix/guitares) investit un champ blues/country/folk où se télescopent violons et banjo, instruments que l'on a pas forcèment l'habitude d'entendre dans la « musique du diable ». C'est surtout sur un plan rythmique que la chose impressionne, le groupe atteignant une sorte de transe quasi tribale (surtout la violoniste qui danse avec des mouvements assez amples). Composée d'un public d'abonnés, d'ordinaire assez sage, la MAC est cette fois-ci debout comme un seul homme ! On se croirait presque dans le sud profond. Belle ambiance. A noter une reprise très belle quoiqu'un peu longue de « Hey Joe » popularisée en son temps par Jimi Hendrix.

Dans un registre plus « sacré » c'est au tour des Campbell Brothers d'investir ensuite la scène. Fidèles serviteurs du gospel, les Campbell Brothers jouent une musique où les lap steel et pedal steel guitar (instruments se jouant assis, la guitare posée à plat) tiennent un place centrale. C'est un style de gospel bien particulier que l'on nomme le « Sacred steel ». Bien entendu les voix, multiples, sont de première importance. Le tout est rondement mené avec un solide sens du groove qui aide à faire passer le message, positif, sur une note festive. On est encore une fois emballé par le sens du spectacle du groupe qui se fait lever le public, applaudissant à tout rompre. Avec ça, on est paré pour la Messe demain matin !


On termine enfin avec des vielles connaissances, les Nantais de Malted Milk accompagné de la chanteuse Américaine Toni Green que l'on retrouve pour la première fois sur scène après avoir été épaté par leur album commun en fin d'année dernière. L'association se place dans un revival soul soyeux et groovy de qualité au moins égal à celui des productions Daptone. C'est dire à quel point nos Nantais maîtrisent cette idiome. La rythmique est à la fois souple et solide et l'orgue Hammond (Damien Cornelis également membre du Blues Power Band) enveloppe le tout de nappes de son chaud. Les interventions des cuivres sont toujours à bon escients et les guitares ramènent le tout vers le terrain du blues. La présence de la chanteuse de Memphis Toni Green (une ancienne choriste d'Isaac Hayes, ça vous classe le personnage) aide le groupe à s'ancrer dans ce territoire de musiques telluriques. Le chanteur/guitariste Arnaud Fradin relaye efficacement Toni au chant sur quelques titres, c'est aussi une présence réconfortante lorsque la chanteuse est prise par l'émotion au milieu de « Just ain't working out ». Le plateau que nous a concocté l'équipe de Sons d'hiver est tout simplement superbe pour finir ce dernier weekend du festival. Rendez-vous l'année prochaine pour les 25 ans du festival !

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