lundi 19 janvier 2015

Interview avec Nour Harkati




Tout quitter, sa famille, son pays et ses racines, c'est la pari fou de Nour Harkati venu assouvir en France ses rêves de musicien. Humble et touchant, le jeune artiste, auteur d'un premier album intitulé « Dive », revient sur cette expérience avec des mots parfois très émouvants. Rencontre.

Tu viens d'une famille musicale, avec tes deux parents musiciens. Il y avait beaucoup de musique chez tes parents quand tu étais petit ?
Nour Harkati : Ma Mère était chanteuse. Elle a chanté pendant une dizaine d'années environ. Après elle a arrêté. Elle a sacrifié sa vie pour nous aider. Mon Père était violoniste dans l'orchestre national mais il est décédé quand j'avais six mois. Je ne l'ai pas vraiment connu. Mais ma Mère m'a vraiment ramené à la musique et ça m'a intérressé. Elle m'a vraiment donné envie d'apprendre à jouer d'un instrument. J'ai choisi la guitare.

En Tunisie tu avais accès à beaucoup de musique occidentale ?
N.H : Grâce à internet on avait accès à tout. J'ai découvert beaucoup d'artistes occidentaux comme ça : Radiohead, Pink Floyd, Ben Harper, Jack Johnson etc... C'est la découverte de Ben Harper qui m'a donné envie de faire carrière. J'étais loin d'être professionnel avant. Je voulais juste jouer avec mes amis au lycée.

Qu'est-ce qui t'attire chez lui ?
N.H : Franchement, tout ! Les paroles, sa manière d'être, son parcours et les chansons bien sur. Je n'ai jamais été déçu par un de ses album. Parfois, quand tu suis un artiste, tu peux être déçu par son évolution, le deuxième ou troisième disque sont moins bien. Ben Harper, il m'a vraiment fait plaisir pendant toute sa carrière. Il m'a fait rêver, ça a déclenché un truc en moi.

Et une chanson en particulier ?
N.H : « Amen, omen ». C'est la première que j'ai écouté. Je l'aime beaucoup, elle représente beaucoup pour moi, des souvenirs avec mes amis du lycée, ma famille. Mais j'aime tout ses albums.

Pourquoi avoir choisi l'exil en France ?
N.H : Déjà en tant que Tunisien, la France c'est un pays qu'on connait bien. Et puis il y a une proximité avec la langue, aussi, on maîtrise le français. Ca semblait logique de commencer içi. C'est un bon début. J'y vais doucement, étape par étape. Je reste en France pendant quelques années, je fais un album ou deux. Après on verra, Londres, le Canada ou les Etats-Unis. Mais j'ai préféré commencer par la France. Je ne me sens pas vraiment étranger, pas trop dépaysé en tout cas.

Et ton arrivée, comment ça s'est passé ?
N.H : C'était génial, vraiment bien ! J'ai été vraiment bien accueilli. J'étais hébergé à la cité internationale des arts. C'est une résidence pour artistes, toutes les disciplines sont représentées : peinture, photographie, théâtre, musique. Je me suis retrouvé dans une ambiance conviviale, artistique avec des gens très ouverts, de toutes les nationalités.

Tu t'es fait des amis ?
N.H : Oui bien sur. J'ai été super bien accueilli.

La Tunisie te manque ?
N.H : Ah oui, bien sur. Parfois, j'ai trop envie d'y aller. J'y retourne de temps en temps. C'est l'endroit où j'ai grandi, j'y ai beaucoup de souvenirs. Bien sur, ça me manque...


Le disque s'appelle « Dive » (plonger, ndlr), c'est un verbe que tu utilise également dans les paroles de « Down to the river » et « Between the sunset and the dark ». Le verbe « Plonger » a une signification particulière pour toi ?
N.H : C'est le thème de l'album. J'ai quitté mes études de design graphique dans une petite école d'arts, très sympa, en Tunisie. En 2010 j'ai arrêté pour faire ce dont j'avais vraiment envie, de la musique. Je suis arrivé ici quasiment les mains vides, j'avais une valise et une guitare. C'était l'aventure, sans assurance, aucun diplôme ni rien du tout. Et c'était ma première fois en France, je ne connaissait pas le pays, je n'étais jamais venu même en touriste. Pour moi, c'était le plongeon. Je ne connaissait personne, je suis venu, j'ai fait mon truc. J'essaye encore de le faire d'ailleurs et je suis content du résultat. L'album parle de cette expérience.

Le plongeon, c'est une philosophie de vie ?
N.H : Oui, exactement. La prise de risque c'est très important. Il y a des gens qui n'arrivent pas à dépasser ce stade, la peur, le doute. Ils n'arrivent pas à faire ce qu'ils veulent réellement dans la vie. Du coup ils ne plongent pas. Ils restent toute leur vie à réfléchir, à douter, à hésiter. A se dire : « Ouais peut-être que ça ne va pas marcher ». Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Quand j'ai envie de faire quelque chose, je réfléchis bien sur, mais vite fait. Et je passe à l'action.

Tu est plutôt un chanteur folk, acoustique avec une pointe de soul, notamment sur « It doesn't matter what i sing »...
N.H : Quand j'écoute tout l'album mois je dirais plutôt « pop alternatif » mais il n'y a pas vraiment de style précis dans l'album. J'ai essayé de faire quelque chose qui touche beaucoup de monde. Très ouvert, très grand public. De la musique populaire, un peu américaine, parfois calme, parfois très rythmée voire énervée.

Certaines de tes paroles sont très intimistes, « From Paris to love », « Brother »...
N.H : Quand j'étais au lycée, à 17 ans, j'ai essayé de composer des chansons, ça parlait d'amour, des filles... Mais j'avais envie de faire autre chose. Du coup, aujourd'hui ma musique est devenue le reflet de mes expériences personnelles. Je parle de ce que je vis tous les jours, des différents états d'esprit par lesquels je passe. C'est comme ça que j'écris. Je ne voulais pas me prendre la tête, écrire des choses compliquées dès le début, c'est un premier album après tout. Je voulais commencer par un truc simple, organique, naturelle. Le deuxième sera plus précis, mature... Enfin peut-être.

Tu écris régulièrement ?
N.H : Je vis des choses et après il y a une période d'écriture. Je remplis le sac d'émotions et après je fais le tri. Quand une expérience m'a beaucoup touché j'ai envie d'écrire dessus. Pratiquement toutes les chansons du disque ont été écrites à Paris.

En écoutant l'album je me suis demandé pourquoi il n'y avait pas plus de sonorités orientales, des percussions par exemple ?
N.H : C'est quelque chose qui m'interresse beaucoup. Même en ce qui concerne la langue, j'aimerai chanter en tunisien. Mais je sais que cela va venir naturellement. Pour l'instant je suis vraiment branché sur tout ce qui est musique occidentale, américaine. A un moment donné je vais avoir besoin de retourner aux sources, aux souvenirs. Ma culture, ma langue, là où j'ai grandi.

Tu as tourné en Norvège...
N.H : Oui mais c'était une petite tournée, cinq concerts en 2013 et un autre en 2014. C'était nouveau pour moi. Le pays, la culture, des découvertes très intérressantes... C'est comme ça que l'album est sorti en Scandinavie.

Il y a une sortie prévue en Tunisie ?
N.H : Hélas non car il n'y a pas vraiment d'industrie du disque en Tunisie. Mais je vais ramener des cds lors de ma prochaine tournée là-bas. J'ai déjà fait un festival très connu, « Jazz à Carthage ». Les gens ont aimé et ont acheté l'album avant même la sortie officielle.

Comment tu te sens en ce moment avec la sortie du disque ?
N.H : Excité et stressé en même temps. J'ai envie que tout se passe bien. J'espère que tout va se développer de manière intérressante. J'espère voir des choses arriver, des festivals, des concerts, des premières parties. Les voyages, la scène c'est ce que m'excite le plus, c'était mon but premier. Je veux vivre à travers la musique, gagner un peu d'argent... Ca va beaucoup m'aider à défricher le chemin pour le deuxième album. Normalement je serais plus mature humainement, musicalement... En tout cas je suis très content de mon premier album.

C'est un moment émouvant ?
N.H : Ah oui c'est sur. Surtout quand tu est satisfait de ton travail. J'ai vraiment envie de continuer. Les débuts sont toujours émouvants, comme la première fois que j'ai fait la Cigale (une des plus belles salles de concert de Paris, ndlr.), c'était la première fois que j'y allait. Il y avait 1400 personnes, c'était complet et c'était beaucoup d'émotions. Ca me fait plaisir, c'est un résultat inattendu pour moi. Quand je suis venu je ne savais pas ce que j'allais faire en France. Je voulais faire de la musique, c'est tout.
Propos recueillis le 28/10/2014.

Un grand merci à Nour Harkati pour sa gentillesse et à Marion (Ephélide).

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