mardi 30 septembre 2014

Orange Blossom : « Under the shade of violets »



Porté disparu depuis 2005, le duo Carlos Robles Arenas (batterie) et PJ Chabot (violon), aka Orange Blossom, est de retour. Nouveau disque donc, mais surtout, une nouvelle voix, celle de la chanteuse Hend Ahmed (28 ans) dénichée au Caire. Il serait aisé de ranger la musique d'Orange Blossom dans la case « world » mais on se gardera bien d'effectuer de tels raccourcis, beaucoup trop réducteurs pour un disque et un groupe de cette ampleur. Certes la musique d'Orange Blossom procède d'un grand voyage, celui déjà qu'il a fallu effectuer pour l'enregistrement : L’Égypte d'où est originaire la chanteuse Hend Ahmed, Aman (Jordanie) pour enregistrer des chanteurs traditionnels, Cholet enfin pour travailler avec l'orchestre du conservatoire. Mais avant de tomber dans le grand bain des musiques dites « du monde », Carlos et PJ ont eu des parcours qui les ont vu passer par des groupes de rock. Et c'est finalement un peu de tout cela que l'on entends chez Orange Blossom, le fruit d'expériences diverses où le chant majestueux en langue vernaculaire vogue sur un tapis fait de cordes classiques et de percussions orientales usant d'une mélancolie contagieuse et prégnante (« Ya sîdî », « Jerusalem », « Good Bye Kô »). Insaisissable, se jouant de tous les contrastes la musique d'Orange Blossom vous retournera le cœur, « Mexico » à l'acoustique vénéneuse. Un peu plus loin, une écriture électro/pop/rock se confronte aux vocalises orientales, l'étonnante « Pitcha » aux différents mouvements comme autant de tableaux bien distincts. Et le tout se termine dans un déluge de décibels, le groupe payant son tribut au rock et à l'électro (« The Nubian », « Black box », "Pink Man") ayant nourri son adolescence. Finalement on écoute Orange Blossom comme on feuillette un vieil et précieux album photo conservant les images d'un voyage fondateur, le regard nostalgique...

https://fr-fr.facebook.com/orangeblossomofficiel

lundi 29 septembre 2014

The Lords of Altamont : « Lords take Altamont »



Au départ conçu pour être le pendant californien du festival de Woodstock, le concert gratuit d'Altamont, qui a eu lieu sur le circuit automobile du même nom à quelques encablures de San Francisco à viré à la catastrophe. La date du 6 décembre 1969 restera à jamais comme l'une des journées les plus noires de l'histoire du rock n'roll qui s'est soldée par la mort de Meredith Hunter, jeune fan (18 ans) Afro-Américain assassiné par les Hells Angels chargés de la sécurité de l'événement. En sus, trois autres personnes ont également perdu la vie ce jour là de manière accidentelle. Comble de l'ignominie, le concert a été filmé (il s'agissait de concurrencer Woodstock, sur tous les plans) et à fait l'objet d'un documentaire morbide « Gimme Shelter » sorti en 1970. Un jour honni, qui, sans coup férir, a soldé en une seule fois les illusions hippies et le summer of love mettant un terme tragique aux années 1960. Avec le recul on peut également y voir la naissance du punk de la décennie suivante, un mouvement nettement plus violent voire nihiliste, comme annonciateur d'une histoire du rock qui s'écrira dorénavant dans le sang entre meurtres (John Lennon), suicides (Ian Curtis, Kurt Cobain) et autres tragédies diverses, généralement survenues à l'age de 27 ans...

Formé en 1999, l'excellent groupe garage rock The Lords of Altamont s'est pourtant inspiré du concert tragique pour trouver son patronyme usant de raisons restées obscures et que l'on suppose un tantinet provocatrices voire dérangeantes. Ce cinquième effort de la formation marque le 15ème anniversaire du groupe lequel s'offre pour l'occasion un album tribute au concept étrange puisqu'il ne s'agit ni de rendre hommage à un groupe ou à une œuvre en particulier mais au festival d'Altamont, reprenant pour l'occasion plusieurs chansons jouées ce jour là. Soit des reprises des groupes présents à savoir les Rolling Stones (les têtes d'affiches qui étaient absentes de Woodstock, rappelons-le), le Jefferson Airplane, Crosby Stills and Nash, Santana et les Flying Burrito Brothers. Également prévus à l'affiche le Grateful Dead a préféré se décommander à la dernière minute, sentant les événements tourner au vinaigre. Ce disque marque également le retour au bercail de plusieurs anciens membres puisque tous ont été invités (soit une vingtaine de personnes) à participer à l'enregistrement.

Entre guitares survoltées et giclées d'orgue acides, les Lords of Altamont ont toujours su se créer une identité sonore facilement identifiable faite d'agressivité mais aussi de groove. Un trait d'union entre rock, blues et soul music. Si la confrontation avec le répertoire des Stones est convenue (« Stray Cat blues », « Gimme Shelter »), elle n'en n'est pas moins savoureuse, les Lords poussant un peu plus loin le bouton de volume. Il est par contre franchement curieux, mais délectable, de voir comment le gang de bikers s'est approprié le folk psychédélique, féminin et délicat, du Jefferson Airplane. « 3/5 of a mile in 10 seconds » est méconnaissable. Idem pour « Black Queen », à l'origine une blues acoustique signé Stephen Stills. Un excellent album, conforme aux standards, élevés, du groupe, mais aussi une manière ludique de revisiter le répertoire des années 1960 comme on traverse l'histoire du rock n'roll...
En concert le 30/10 à Paris (Batofar)



vendredi 26 septembre 2014

The Impellers : « My Certainty »



On avait déjà évoqué sur cette page Les Impellers le temps d'un 45 tours (chronique ici). Voici le groupe de retour avec un album en bonne et due forme qui confirme l'excellente santé de la scène soul/funk de Brighton. Un album copieux (14 titres) qui n'est pas sans rappeler les productions Daptone, Sharon Jones en particulier, surtout lorsque la chanteuse au coffre puissant Clair Witcher entre en scène (spectaculaire « The routine »). Le tout se situe dans la droite lignée des classiques des années 1960 servie avec un copieux accompagnement à base de cuivres. Mâtinée de funk, la soul des Impellers met l'accent sur l'aspect rythmique avec forces percussions pour la note latine. En mode instrumental (« Veeber ») le groupe évoque plutôt le jazz et on pense alors à Sugarman 3. Solide et bien foutu à défaut d'être foncièrement original (le créneau soul vintage commence à être bien encombré...)

jeudi 25 septembre 2014

Theo Lawrence Electric le 2 octobre au Badaboum



Les Velvet Veins splittés, à la stupéfaction générale moins d'un mois après avoir enflammé Rock en Seine, le chanteur Theo Lawrence n'aura pas été long pour retomber sur ses pattes. Ce dernier évolue dorénavant en power trio, accompagné par le bassiste Olivier Viscat (ex-Velvet Veins également) et le batteur Louis-Marin Renaud. Ce tout nouveau groupe, nommé Theo Lawrence Electric se produira pour la première fois au Badaboum (avec Caravage) le 2 octobre prochain à 19h30.

CharlElie Couture : « Immortel »



Quatre ans après « Fort Rêveur » un album « étasunien », enregistré et produit à New York par Sean Flora, CharlElie Couture est de retour. Ce nouvel effort marque une sorte de retour, strictement musical, au pays pour CharlElie qui collabore dorénavant avec Benjamin Biolay. D'emblée, le résultat sonne moins marqué par le rock, et par extension le blues, que le disque précédent. Mais le perte en électricité brute est compensée par la musicalité de l'ensemble. Fort de climats variés, le disque est habillé avec élégance porté par des arrangements luxurieux de cordes (« Méchante envie »), de vents (saxophone ou flûte) et une acoustique chatoyante (« L'autre côté »). Tapie dans un coin, la bête rock n'roll ne peut toutefois s'empêcher de venir chatouiller CharlElie en deuxième partie de programme : « Broken », « La comédienne », « J'ai des visions » ou bien encore « Be an artist » à la forte saveur bleutée. Plus que jamais basé entre les deux rives de l'Atlantique, CharlElie clôture l'album avec un clin d’œil instrumental et jazzy à son New York d'adoption intitulé « A french man in New York ». Un disque certes classique, et quelque part sans surprise, mais solide, parfaitement réalisé et bien écrit avec ce ton doux-amer qui caractérise ses paroles. En résumé, du travail propre qui s'écoute avec grand plaisir.


mercredi 24 septembre 2014

Portrait Dorian Pimpernel



(c) Sylvere Hieulle

C'est au terme d'un véritable acharnement téléphonique (environ sept coups de fil reçus en l'espace d'une demie-heure) lors de la dernière édition de Rock en Seine que l'on a pu rencontrer Dorian Pimpernel. Où plus exactement, Jérémie Orsel, chanteur/guitariste de ladite formation et seul membre du groupe encore sobre (l'affirmation est de lui) à cette heure. Ah la dure vie de festivalier...

(c) Sylvere Hieulle
D'un abord sympathique, Jérémie commence par nous éclairer sur le patronyme du groupe, objet de multiples spéculations : « Dorian est un adjectif qualifiant un mode musical évoqué par Platon dont la définition est viril et conquérant, ce qui est plutôt ironique dans notre cas (sourire). Pimpernel, c'est le mot anglais pour désigner le mouron, une fleur. Les deux accolés ensemble sonnent plutôt bien, comme le nom d'un personnage fictif ». Comme bien souvent à l'origine de Dorian Pimpernel se trouve un musicien solitaire, Johan Girard, la cheville ouvrière du groupe, composant seul sur ses claviers : « En fait Johan composait des démos seul dans son coin et cherchait des musiciens pour assurer des concerts. Au départ je suis arrivé pour être le guitariste et faire des essais pour les chœurs. Finalement je suis le chanteur. Mais je ne suis que l'interprète des compositions de Johan. Sur notre set list actuelle, il n'y a qu'un seul titre que Johan n'a pas écrit seul. ». La « moonshine pop » de Dorian Pimpernel se singularise par son extrême sophistication tant sur le plan mélodique qu'harmonique. Le fait est que le groupe rappelle beaucoup les productions (anglaises notamment) de la fin des années 1960 (en vrac citons les Zombies, Left Banke, King Crimson ou bien encore l'école de Canterbury) ainsi que le krautrock de la décennie suivante sans pour autant tomber dans l'écueil de la pâle copie. Une démarche que le groupe qualifie « d'anti naturalisme », où les claviers imitent les instruments acoustiques : « l'artificialité doit s'entendre » insiste le guitariste. La seule utilisation du Variophon peut résumer la chose : « C'est un synthé Allemand actionné par le souffle. On l'utilise pour remplacer les instruments à vents ». Ainsi le chanteur nous confie la passion du groupe pour les claviers sans tomber dans le vintage à outrance : « Les claviers sont plutôt choisis en fonction de leur originalité et de leur rareté. Au final il y a autant de claviers anciens que modernes. C'est notre façon de créer notre univers musical personnel ». Bien évidemment la transposition sur scène d'un tel univers n'est pas chose aisée : « En fait on fonctionne à l'inverse d'un groupe de rock classique dont les morceaux sont bruts de décoffrage et peaufinés ensuite en studio. Nous, nos compositions sont très élaborées dès le départ et on doit les simplifier pour la scène. Il y a des arrangements que l'on ne peut absolument pas reproduire en concert. On est parfois obligé d'utiliser des bandes ». La seconde composante principale du son Dorian Pimpernel, c'est la basse. Une basse ronde, terriblement sixties, qui est pour beaucoup dans l'attrait exercé par le groupe. Le mélange avec les claviers n'est pas sans rappeler l'album « Triggers », le chef d'oeuvre signé April March, au point que l'on n'est pas loin de penser que Dorian Pimpernel aurait trouvé un refuge naturel chez Tricatel, le label de Bertrand Burgalat, sur lequel était signé April March à l'époque (2002, ndlr) : « En fait on a quelques liens avec Tricatel. Notre batteur, Hadrien Grange, était assistant ingénieur du son sur le premier disque des Shades, « le meurtre de Vénus » (sorti en 2008, ndlr). Quant à moi, Bertrand m'appelle de temps en temps pour des commandes, assurer des chœurs des choses comme ça... On ne se fréquente pas vraiment cependant. Je pense que Bertrand cherche surtout la singularité dans les projets qu'il signe. On aurait fait double emploi avec April March ou avec ce qu'il a pu faire lui-même en solo ». Faute de Tricatel, le groupe est finalement abrité par Born Bad, l'excellent disquaire devenu label et plutôt orienté sur le garage et le rock psyché (Wall Of Death ou les très prometteurs Forever Pavot). La signature de Dorian Pimpernel marque également une évolution douce de la ligne éditoriale du label : « Les premiers contacts avec JB (Wizz, le patron de Born Bad, ndlr) datent de 2004/2005 à l'époque où Johan tâtait du journalisme. On a sorti un premier 45 tours sur un autre label ce qui nous a rappelé à son bon souvenir. Il nous a mis au défi de lui fournir un disque en trois mois ». Une gageure que l'on imagine immense pour des musiciens aussi méticuleux. Alors que le temps qui nous est alloué arrive à son terme, il nous reste une question fondamentale à élucider : alors Dorian Pimpernel, plutôt Pet Sounds ou Sgt Pepper ? Beach Boys ou Beatles ? « Franchement au sein du groupe c'est du 50/50 ! » (rires)...

Propos recueillis le 23 août 2014 à Rock en Seine.
En concert le 1er octobre à Paris (Petit Bain) avec Forever Pavot et Orval Carlos Sibelius.

lundi 22 septembre 2014

Velvet Veins : « Bound to pretend »



Au fil du temps et la nostalgie aidant, peu à peu, les sixties, ou tout du moins le souvenir que l'inconscient collectif en a gardé, se sont imposées comme un age d'or du rock n'roll. Une époque riche et fertile utilisée depuis comme un mètre étalon à l'aune duquel chaque nouveau venu est plus ou moins comparé. Depuis 20 ans, une telle nostalgie a engendré un nombre incalculables de groupes « moines copistes », souvent sympathiques mais manquant cruellement d'ampleur et de personnalité. Et bien entendu, l'emballement récent et généralisé autour de tout artefact estampillé « vintage » n'a rien arrangé. Au milieu de cette cohorte de suiveurs, nos franciliens de Velvet Veins pourraient bien faire la différence. Car eux ont réellement saisi l'essence de la musique sixties. Pour résumer en deux mots : le blues. Que seraient devenus les Doors, les Rolling Stones, Led Zeppelin et autres Jimi Hendrix sans le blues ? On vous laisse juge...


En attendant, cette longue introduction passée, on en arrive à notre sujet du jour, le premier EP du jeune quatuor Velvet Veins, formation découverte une après midi pluvieuse à Rock En Seine le mois dernier. On vous a longuement entretenu du blues un peu plus tôt et cela tombe fort à propos puisque le premier EP des Velvet Veins déborde de la note bleue par tous les sillons (« Nation Sack »). Note à laquelle ils joignent un esprit aventureux, jam, typique de la décennie bénie. Riche en breaks, changements brusques de directions et autres surprises (« Arizona Ghost »), le disque tourne autour du blues qu'ils n'attaquent jamais frontalement mais qu'il marient à des couleurs funky (l'intro à la wha-wha de « Sweet Heat ») ou heavy, bien servi en cela par la voix, profonde et riche de mille nuances, du chanteur Théo et un instinct musical à toute épreuve au fil de soli inspirés. Plutôt que de chercher à en faire des tonnes pour épater la galerie, les Velvet Veins préfèrent privilégier la mélodie ce qui donne naissance à de jolies ballades « Opal » ou « Bound to pretend » qui ouvre les débats. Des débuts fort encourageant pour cette formation que l'on ne peut que vous conseiller de découvrir...  

lundi 1 septembre 2014

Meredith : «The shape of things to come »



Un énième duo batterie/guitare de plus ? Et bien non pas tout à fait. Si la formule du duo nous a habitué à chasser sur un terrain blues/garage, les français de Meredith ont choisi une tangente plutôt grunge. Et ça commence assez fort avec le morceau titre « The shape of things to come » : rythmique béton tendance lourde (Dave Grohl, sort de ce corps !), guitare puissante et chant, guttural mais intelligible, sur le fil : l'affaire part sur des bases élevées, les potards à fond dans le rouge. Un peu plus loin, « Let's say » et « Lou » prouvent que le groupe peut également baisser le volume de plusieurs crans mais violenter, toujours, un peu les mélodies, histoire de rester foutrement rock n'roll (la coda de « Lou »). C'est d'ailleurs une constante, un pattern que l'on retrouve régulièrement l'ep : après une intro assez calme, la tension va crescendo jusqu'à l'explosion finale de la guitare à la vitesse du gros son. «Meredith », une sorte de drone instrumental assez étrange et « Sober », le morceau le plus sensible du lot complètent cette collection inaugurale. Entre évidence mélodique et puissance d'exécution (parfois au sein de la même composition cf. « Sober ») Meredith se trace ainsi un chemin personnel sur la grande carte du rock. A conseiller à tous ceux qui aiment leur rock n'roll avec un fort goût en bouche...