samedi 17 mai 2014

Interview avec The Craftmen Club




Débarqué d'un train bien matinal en provenance de sa ville natale de Guingamp, les trois-quarts du Craftmen Club (le bassiste Marc Corlett est excusé), évoque son nouvel album « Eternal life », le premier depuis 2009, avec de grosses cernes sous les yeux et beaucoup d'humour. Manière de faire relâcher l'énorme pression procurée par l'enregistrement de ce dernier...
 
Que s'est-il passé depuis 2009, date de sortie de l'album précédent ?
The Craftmen Club : Pas mal de choses (soupir)...
 
Si on en croit la biographie, l'enregistrement de ce nouvel album a été long et difficile, le groupe a failli se séparer...
Steeve Lannuzel (voix/guitare) : C'était une ambiance un peu chaotique. On a été toujours évolué comme ça. Finalement c'est une façon de travailler qui nous convient au grand désespoir d'autres personnes autour (rires) ! C'est notre fonctionnement. Et je pense que c'est pour cela que l'on a pu garder une certaine tension dans notre musique.
 
Il y a eu aussi un changement de personnel avec l'addition d'une deuxième guitare. Cela vous a-t-il apporté de nouvelles perspectives ?
S.L : Avant on jouait avec des samples, des machines. On s'en servait pour doubler les guitares, les banjos. On a décidé d'humaniser notre approche. Le nouveau guitariste était notre bassiste avant. Il nous a jamais trop quitté en fait...
Mikaël Gaudé (guitare) : Un petit peu quand même. Sept ans ! (rires).
S.L : Enfin il a toujours été dans les alentours. Les nouveaux morceaux aussi étaient plus adaptés pour deux guitares.
Yann Ollivier (batterie) : Cela permet des ambiances différentes. Et puis on est aussi beaucoup plus libre. Le sample, ça te bloque. Tu es obligé de le suivre.
S.L : On a quand-même gardé cet esprit cyclique. En y rajoutant plus de sons.
M.G : C'est un déblocage harmonique en fait. Ta grille d'accords est contrainte sur le sample. Il n'y a pas quinze mille choix possibles sur les notes.
Y.O : On ne reste pas du début à la fin sur la même note. C'est bien.
S.L : On fait comme Christophe Maé (rires) !
 
Mikaël, comment s'est passé ton intégration dans le groupe ?
M.G : C'est plus une réintégration en fait. Ou une désintégration, il faut voir (rires) ! J'étais à la basse sur tout le premier album (« I gave you orders never to play that record again », 2005). Je suis parti juste après mais j'ai quand-même tourné pendant un an et demi avec Yann et Steeve. Mon autre projet (Rotor Jambreks, ndlr), s'est retrouvé sur le même tourneur, on a fait plusieurs plateaux ensemble. On ne s'est jamais perdu de vue. J'ai eu rapidement l'impression de revenir à la maison. Je connais les repères et je sais comment marche la machine.
Y.O : On marche sous tension (rires) !
S.L : Le chaos créateur (rires)!
 
Toutes ces sonorités coldwave, c'est assez nouveau pour vous même si les influences ont toujours été là...
S.L : Ca s'est fait assez naturellement. De toute façon on cherchait à fuir « Thirty six minutes » (l'album précédent du groupe, sorti en 2009, ndlr). Dans le sens où on ne voulait pas retomber dans le banjo, refaire un album identique en peut-être moins bien. On voulait vraiment repartir sur autre chose. On a toujours fait ça finalement. Il y a une évolution entre les deux premiers disques, une évolution qui se prolonge maintenant. On voulait vraiment marquer quelque chose de différent.
Y.O : Beaucoup de groupes font un album puis refont la même chose mais en moins bien puisqu'il n'y a plus l'effet de surprise. On ne voulait pas tomber dans le panneau. Là on a un fait un virage musical et on crée la surprise.
 
C'est aussi comme ça que les groupes se créent une identité musicale...
S.L : On est toujours à la recherche de quelque-chose. Après, je ne dis pas que pour le quatrième album on ne vas pas retourner vers « Thirty-six minutes » ou faire autre chose. Quoi qu'il en soit, on va tout le temps essayer d'évoluer en changeant les sons. Changer d'univers.
Y.O : Christophe Maé nous a déjà écrit cinq chansons en ré mineur (rires) !
S.L : Toi tu vas nous attirer des ennuis ! (rires).

Il y a aussi comme un point d'équilibre entre les rythmiques quasi robotiques, la batterie qui sonne quasiment comme une boîte à rythme et les guitares qui sont très organiques et très rock...
S.L : C'est un choix de production. On voulait ce genre son, très mécanique.
Y.O : Les morceaux ont été faits aussi à partir d'une boîte à rythme. On a remis la batterie dessus après.
S.L. : Il fallait freiner les egos du bassiste et du batteur (rires) ! Les guitaristes sont nickels, il n'y a rien à redire. Le chanteur aussi est impeccable (rires) !

Yann, est-ce que tu pourrais nous préciser la façon dont tu as travaillé sur ce disque ? Le son est vraiment sourd et assez impressionnant sur « Vampires » et « If you walk straight »...
Y.O : C'est surtout un travail de compression au mixage.
S.L : Les mixes ont été hyper vite. On a travaillé avec les États-Unis par mail.

(c) Christophe Sergent
 
Dans le livret vous êtes tous crédités avec des numéros de série...
S.L : Cela correspond aux thèmes des chansons. La déshumanisation du monde, des musiciens...
 
On peut mettre ça en relation avec le côté robotique de la musique ?
S.L : Tout à fait, c'est l'univers froid du disque. Une déshumanisation totale mais avec une vie éternelle. Dans la matrice.
 
Et pourquoi une ambiance aussi noire ? C'est un constat sur le monde, l'industrie du disque ?
S.L : Un peu tout ça, oui c'est l'ambiance du moment. On trouvait que cela collait vraiment avec les thèmes des chansons.
 
Et pour quelqu'un qui ne l'aurait pas encore écouté, vous le décririez comment ce nouvel album ?
Y.O : Froid.
M.G : Oui mais un peu chaud aussi.
S.L : Tiède !
M.G : Non pas tiède. Chaud-froid (rires) !
S.L : Je ne sais pas comment on pourrait décrire le disque.
 
Il y a aussi une tension sous-jacente qui dure tout l'album sans surjouer les décibels...
M.G : Je pense que c'est le travail de compression de la batterie pour ressembler à une boîte à rythme. Un truc un peu linéaire avec beaucoup d'impact.
S.L : Je pense qu'on s'est fait mal sur ce disque.

Mal ?
S.L : Humainement oui. Dans la création surtout. Ça se ressent à l'écoute.
Y.O : « Thirty six minutes » avait été également un album difficile à faire. Il y a eu beaucoup de clashes. On a toujours été comme ça. Travailler dans la tension, c'est notre truc. Après une fois que c'est fini on n'arrête pas de déconner... Ça se ressent naturellement dans la musique.



C'est terrible d'enregistrer avec vous...
The Craftmen Club (en chœur) : Ah oui (rire général) !
S.L : Je trouve que ça va. C'est juste dur d'aller au bout d'un projet. Quand tu écoutes de la musique, tu dois ressentir quelque-chose. Je ne pense pas que notre musique soit fade. Ça veut dire quelque-chose.
Y.O : La musique c'est une émotion. Si les gens la ressente c'est vachement bien, ça veut dire que l'on a réussi à la véhiculer.

Un petit mot sur « Vampires » ? C'est ma chanson préférée. J'aime bien le changement de volume quand les guitares se lâchent...
S.L : Ce morceau fait le lien avec « Thirty six minutes ». Quand « Thirty six minutes » est sorti, tout le monde, les journalistes n'ont pas arrêtés de me parler de Jon Spencer et de garage rock. Alors que je trouve qu'il n'y a pas une seule chanson sur le disque qui ressemble à du Jon Spencer. Par contre, « Vampires » pour le coup on a fait un morceau vraiment à la Spencer. C'est une transition. C'est le premier que l'on a fini. On la faisait déjà sur la tournée précédente. C'est une vieille composition.

Ce titre vous l'avez vu évoluer depuis ?
S.L : Oui bien sur. On l'a adapté aux autres titres...

Que devient le banjo ?
S.L. : Il est sur le premier titre.
M.G : Premier titre, premier couplet et c'est tout. Il est bien caché au fond du mix. Juste une corde.
S.L. : C'est un clin d’œil et un au revoir en même temps.
M.G : Et puis cela complétait bien la guitare sur ce passage là.

Propos recueillis le 20/01/2014.
Un grand merci au groupe et à Marion qui a organisé la rencontre.
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