lundi 24 juin 2013

Paris Jazz Festival



Alors que viennent les beaux jours, restons optimistes, il est temps de dire au revoir aux salles de concerts pour profiter de la musique en extérieur. Avant de sillonner les routes (enfin plutôt les voix ferrées) de France pendant la saison des festivals, on va commencer par faire un petit arrêt du côté du Parc Floral, où se tient tous les ans les Paris Jazz Festival, des concerts gratuits, les week ends du juin et juillet avant que la musique classique ne prenne le relais au mois d’août.

Samedi 22 juin : Le vent et la pluie qui s’invitent en ce samedi après-midi ont au moins un mérite, celui d’éviter la foule. D’ordinaire pris d’assaut au moindre rayon de soleil, le chapiteau balayé aux quatre vents, est quasiment vide, pas de queue ni de file d’attente interminable et pour les courageux mélomanes l’assurance d’avoir de bonnes places. Le froid a du bon parfois. On commence avec une superbe révélation en ce week end, les Nantais de Malted Milk. Empruntant autant au blues qu’à la soul, la bande d’Arnaud Fradin propose un mélange détonnant. Du blues les Malted Milk, gardent le touché de guitare, soli inspirés et le chant, assez stupéfiant pour un Français, plein de feeling. La note soul, voire funky par moment, vient de l’adjonction d’un orgue bien senti et surtout, des cuivres : trompette et trombone. Ces derniers ajoutent une touche de peps bienvenue et un sens du show incomparable. Homme talentueux, Arnaud Fradin est aussi à l’aise en solo intégral laissant surgir une émotion qui prend aux tripes. Entre autres vertus curatives, le blues de Malted Milk a le don de réchauffer, magnifique découverte.


Dimanche 23 juin : Rebelote en ce dimanche après-midi, un soleil toujours aussi timide, du vent, de la pluie et surtout du blues qui réchauffe en compagnie du quintet de Jean-Jacques Milteau, renforcé, sur quelques titres, pour l’occasion par une chorale de collégiens venus de Cachan. Toujours aussi inspiré, l’harmoniciste revisite les musiques étasuniennes en compagnie du guitariste Manu Galvin et des chanteurs Michael Robinson et Ron Smyth, le showman invétéré. Le bassiste Gilles Michel et le batteur Eric Lafont apportant la dose de groove nécessaire. Il est bien évidemment question de blues, de soul music mais aussi de gospel, grâce à la chorale et il est amusant de voir Michael et Ron se transformer en chef de chœur encadrant les enfants. Le feeling et l’émotion sont présents à tout moments, lorsque JJ débute le concert seul ou lors d’une reprise bien sentie du « For what it’s worth » de Buffalo Springfield. Assurant la première partie le guitariste Mathis Haug est venu taper le bœuf avec ses amis, distillant un solo inspiré sur sa superbe Gibson Firebird. Il y a de l’espoir « We’re gonna make it » et une bonne dose d’humour pince sans rire signé JJ, bref de quoi passer une belle après-midi.

lundi 17 juin 2013

The Virginmarys : «King of conflict »



Et si la musique est un grand voyage dans le temps à travers les époques, embarquons aujourd’hui dans l’express direction 1977 à la découverte du premier album des Virginmarys. Power trio anglais, dans la grande tradition du punk pub/rock british, ces nouveaux venus nous offrent un opus rageur comme aux plus beaux jours de 1977. L’effet est saisissant, dès le morceau d’ouverture « Dead man’s shoes », l’auditeur est emporté dans un tourbillon qui ne prendra fin que 12 titres plus tard. Misant tout sur l’efficacité, les compositions des Virginmarys n’excèdent que très rarement les trois minutes. Le tout est joué, comme de bien entendu, le pied au plancher : les batteries martèlent, les guitares arrachent, la voix exaltée d’Ally Dickalty semble toujours au bord de la rupture. Même les passages les plus mélodiques, « Out of mind » ; « Lost weekend », sont joués avec une intensité de tous les instants. Et lorsqu’ils ralentissent le rythme c’est pour envoyer avec la lourdeur d’un groupe metal épris de pop (« Bang bang bang »). Impressionnant. Les amateurs de rock n’roll sous adrénaline seront aux anges. Classe et sexy.


dimanche 16 juin 2013

The Black Widow’s Project : « Heavy Heart »



Quatorze titres pour tomber sous le charme létal de la veuve noire. Ourdi dans quelque endroit mystérieux de Suisse, The Black Widow’s Project, met secrètement au point un poison sonore d’une effrayante efficacité. Tel un alchimiste maléfique, nourri au gros rock des années 1970, The Black Widow’s Project a réussi a recréer le son de l’époque, les guitares sont abrasives à souhait, les riffs efficaces et graisseux, le tout fleure le bon vieux rock n’roll d’antan, c’est, en soi, déjà un régal. Mais The Black Widow’s Project ne se contente pas, comme tant d’autres, de faire revivre une flamme vacillante. Attentifs au rock d’aujourd’hui The Black Widow’s Project a su mélanger ses influences vintage (le sabbathien « Love’s a weapon ») a une dynamique moderne, on pense beaucoup à la scène stoner (« Ah ah ah uh »). Allié à un sens mélodique qui n’a pas peur de sortir au grand jour, comme sur « Innerwar » par exemple, et à une production sur le fil du rasoir, voici un disque remarquable, soutenant sans honte la comparaison avec le sacro-saint modèle anglo-saxon. Vous ne dormirez plus jamais tranquille, désormais, la veuve noire pend comme une épée de Damoclès au dessus de vos oreilles…

samedi 15 juin 2013

Bill Ryder-Jones : « A bad wind blows in my heart »




Ouh, mais il a l’air tout triste notre Bill Ryder-Jones. Son nouvel album semble en tout cas l’avoir plongé dans un puit mélancolique sans fond, ainsi qu’il le chante : « Un vent mauvais souffle sur mon cœur ». Ce nouveau disque en solo, l’ex-membre de The Coral l’a composé dans sa chambre d’adolescent un peu comme on entre en introspection. Se retourner vers le passé, pour mieux imaginer l’avenir. Il en est ressorti avec une collection de chansons, toutes plus nostalgiques les unes que les autres, en souvenir de certaines figures de son passé : « Anthony & Owen », « Christina, that’s the saddest thing ». Un effort hautement personnel donc, plutôt acoustique à base de piano et de guitare folk, dépouillé et sans esbroufe, qui n’est pas sans rappeler l’immense Nick Drake, la figure tutélaire du folk britannique (« By the morning I », « The lemon trees #3 »). Des orchestrations simples, des tempi lents, le tout colle parfaitement à son timbre de voix traînant, profond et légèrement éraillé. La mélancolie lui va comme un gant. C'est touchant.

mercredi 12 juin 2013

Andrew Strong



Le temps a passé, on avait fini par l’oublier un peu. Grande révélation (vocale) de l’excellent film « The Commitments », réalisé par Alan Parker, Andrew Strong avait cassé la baraque dans le rôle de Deco. Après quelques albums studio n’ayant pas rencontré le succès escompté, Andrew Strong a chanté un peu partout dans le monde, sauf en France ou a pourtant été enregistré ce nouvel album live en forme de come-back après être retombé dans l’anonymat. Pour son retour, Andrew pioche dans le très classique répertoire soul et rock des années 1960 et 1970 (« Fire », « Born to be wild » etc…). Le timbre de gorge, n’a pas souffert avec les années, profond et grave, magnifique. Les versions présentées ici sont très fidèles aux originales, en dépit d’une collaboration plutôt sympa et réussie avec l’harmoniciste Nico Wayne Toussaint sur « I heard it through the grapevine » (Marvin Gaye). Pas de surprises ni bonnes ni mauvaises. Seulement déjà entendu mille fois malgré tout le talent des participants. Si le talent vocal pur d’Andrew Strong est intact, la façon dont ce dernier gère sa carrière laisse un peu dubitatif. Il est quelque part pathétique d’entendre ce bon vieil Andrew, 22 ans après, s’époumoner sur les sempiternelles « Mustang Sally », « Hard to handle », « Soul man » et autres « Midnight hour». Le tout laisse une impression mitigée, plutôt que de réinterpréter les classiques, Andrew Strong aurait du devenir un classique lui-même. Son immense talent naturel aurait du lui permettre de viser beaucoup plus haut. On rêve de ce qu’il aurait pu produire encadré par un Jack White, un Dan Auerbach ou un de ces labels new-yorkais branchés sur la soul vintage. Pour l’instant il faudra se contenter de ce disque, pas mauvais du tout au demeurant. Vous l’aurez compris, pour le répertoire original on repassera, mais pour quiconque souhaite passer une soirée soul/rock n’roll à l’ancienne en compagnie d’un chanteur extraordinaire, c’est parfait.


lundi 10 juin 2013

Yann Destal : « Let me be mine »



Si la musique est un voyage, alors ouvrez grand les oreilles car c’est à une épopée peu commune, au cœur du son, transcendant les époques et les influences que nous convie Yann Destal. L’album s’ouvre avec les accords folk de « Let me be mine » et déjà la voix de Yann ne demande qu’à s’envoler, s’élevant avec grâce, visitant des hauteurs dignes de Jeff Buckley. Et ce ne sont là que les prémices de la déflagration à venir. Car peu à peu, au fil des titres, Yann Destal, comme en apesanteur, se libère une à une de ses contraintes, atteignant des hauteurs folles. Les influences premières de l’artiste semble se situer dans les années 1970 : « You know me », superbe, la psyché/prog « Walk with me » (Pink Floyd est tout proche) et la très zeppelinienne « Feel it » mettent les guitares en avant, et jouent ouvertement la carte d’un gros son rock ; pourtant la voix toujours sur le fil de Yann apporte un surplus de sensibilité et de fragilité à l’ensemble. Et ce n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg qu’est en vérité la musique de Yann Destal. « Rise and fall » est pleine de délicatesse folk et « You look like heaven », plus 80s, rappelle qu’avant d’être un chanteur rock/folk Destal a eu une première vie musicale, plus électro, au sein de son ancien groupe Modjo. Soigné, jusque dans les moindres détails, produit avec beaucoup de soin, l’album est d’une richesse telle (les arrangements particulièrement) qu’une seule écoute ne suffit pas pour en saisir toutes les nuances. C’est au contraire une œuvre qui demande du temps, dévoilant avec parcimonie tous les trésors cachés en son sein, une écoute après l’autre. C’est surtout un disque n'ayant pas peur de regarder les anglo-saxons droit dans les yeux et qui rayonne d’une ambition rare dans notre hexagone. Recommandé.


dimanche 9 juin 2013

Neil Young and Crazy Horse + Los Lobos, Bercy, 6 juin 2013.


 
Los Lobos


C’est une belle soirée qui s’annonce. Un petit mot pour commencer sur les très rares, du moins sur nos terres, Los Lobos, « Blues band from east L.A. » comme ils se définissent qui assurent ce soir la première partie. Dans l’imaginaire collectif, Los Lobos a connu son point culminant dans les années 1980 avec leur reprise de « la bamba » pour le film du même nom. Une sorte de one hit wonder dont on n’a plus beaucoup entendu parler depuis. Et c’est bien dommage.  Déjà à l’époque de « la bamba » Los Lobos était un groupe expérimenté avec plus de dix ans de rock latino derrière lui. Depuis le groupe a continué son petit bonhomme de chemin loin des médias sortant des albums blues rock d’excellente facture. Pour prendre un exemple récent citons leur « Tin Can Trust » de 2010, un petit chef d’œuvre. Leurs concerts rarissimes en France, leur vaut d’être ignorés du grand public, leur prestation, excellente, troupe peu d’échos auprès du public, ainsi que l’affirme leur guitariste David Hidalgo : « WTF, say something » ! Evidemment pour une fois que le groupe vient jusqu’à nous on aurait préféré une salle à taille humaine plutôt que d’admirer le groupe de loin abandonné tel le radeau de la méduse. On a pu en tout cas apprécier les talents de leur excellent guitariste David Hidalgo (un type qui a également joué avec Bob Dylan soit dit en passant). Le son de Los Lobos pourrait être divisé en trois catégories, d’une part le rock n’roll, d’autre part le blues et enfin les influences latines pour finir (percussions, chant en espagnol). La présence d’un saxophone apporte une note swing jazz pas désagréable du tout, l’accordéon un je ne sais quoi d’exotique. Ce fût quoi qu’il en soit une excellente performance trans-genre : blues, rockabilly, jazz et latin. Croisons les doigts pour revoir cette excellente formation dans des conditions un peu plus décentes très prochainement…

Alors que l’immense palais omnisport se rempli de vieux hippies sur le retour (le public, c’est une des raisons pour lesquelles j’adore aller voir les survivants des sixties en concert !) un étrange cérémonial prend place sur la scène. Une bande de roadies vêtus de blouses blanches prennent possession des lieux, certains balayent la scène, laquelle est surplombée par deux écrans géants en forme de télés portatives vintage. Le décor scénique est le même depuis la fin des années 1970, constitués d’amplis géants au milieu desquels les musiciens ont l’air de lilliputiens. Les choses prennent une tournure encore plus étrange quand la sono diffuse la marseillaise ( ???) alors que le groupe (y compris Neil Young) se tient au garde à vous en rang d’oignons. Pendant ce temps là un micro géant descend du plafond du POPB. Ledit micro arrivé à destination, le concert commence avec « Love and only love ». Dans la, très longue, carrière de Neil Young, les enregistrements avec Crazy Horse (groupe qu’il retrouve après quelques années de séparation) occupent une place à part. Au contact du trio, Neil Young s’embarque dans une voie à part qui fait de lui le seul vieil hippie adulé par la génération grunge qui l’a prise pour parrain. Le trio, Frank Sampedro (vêtu d’un superbe tee shirt Jimi Hendrix), Ralph Molina et Billy Talbot donne une nouvelle dimension à la musique du vieux barde Canadien. Incontestablement plus électrique mais aussi plus expérimentale. Les morceaux traînent en longueur, chaque titre dépassant allégrement les dix minutes, au total une grosse dizaine de titres ont été joués en deux heures, c’est du psychédélisme électrique. Le son brut et aride des guitares n’est pas sans évoquer ces grands paysages étasuniens qui fascinent tant Neil Young. C’est la bande sonore d’un désert de l’ouest américain. Absolument fascinant. A noter un petit intermède acoustique (« Heart of gold ») et « People rocking in the free world » déchaîné en rappel. La soirée a tenu toutes ses promesses.


samedi 8 juin 2013

Sixto Rodriguez, Le Zénith, 4 juin 2013.




L’histoire était peut-être trop belle. Complètement ignoré, tombé dans l’oubli depuis des décennies, Jesus Sixto Rodriguez, qui était jusqu’alors un obscur chanteur folk de Detroit, a rencontré une gloire aussi tardive et inattendue que surprenante depuis la sortie au cinéma d’un documentaire illustrant sa carrière. Depuis les questions affluent, comment l’homme, aujourd’hui septuagénaire, gère-t-il cette gloire soudaine ? Quid de ses réelles aptitudes du moment, lui qui n’a pas pratiqué la musique (de manière professionnelle tout du moins) depuis 1971 ? Oui, l’histoire, un véritable conte de fées était belle, et résonnait comme une véritable lueur d’espoir, et croyez-moi, ils sont nombreux dans le milieu de la musique (tout métiers confondus) a en avoir besoin, d’espoir. Soyons honnêtes, Sixto Rodriguez avait peu de choses à gagner et beaucoup à perdre, notamment le risque d’écorner sa légende toute fraîche, en venant se frotter à la scène. Car jusqu’ici c’était parfait, plus réussi et efficace que n’importe quel plan marketing ourdi par une bande de stratèges réunis autour d’une table. En effet, la gloire récente de Sixto Rodriguez ne repose pas sur le vide issu d’une quelconque émission de téléralité mais sur un véritable talent, unanimement reconnu depuis, de songwriter et de deux merveilleux albums qui devraient occuper une place majeure dans l’histoire du rock. Soit en tout et pour tout 25 malheureux titres, c’est peu pour une place de concert à 35 euros. Pourtant tout avait commencé pour le mieux, lorsque Sixto est accompagné, soutenu même, par son groupe (composé de musiciens hyper pros et peut-être un peu froids), c’est parfait. Un superbe « Climb up on my music » en ouverture, « Sugar Man », « I wonder » c’est magnifique. On peut alors admirer son jeu de guitare peu académique, fait de grands mouvements circulaires de la main droite, Sixto joue sans médiator, frappant les cordes de ses cinq doigts en les écartant vers l’extérieur. Ce qui donne ce son ample unique en son genre. C’est lorsqu’il est livré à lui-même, que Sixto déraille totalement. Balbutiant des reprises peu lisibles, seule « Like a rolling stone » de Bob Dylan sort du lot, alignant des notes sans grande cohérence, il éprouve de plus les pires difficultés à placer sa voix avec justesse et à garder le bon tempo. Le concert se déroule ainsi péniblement, entre de rares éclaircies de génie. Sixto enlève régulièrement son chapeau, pour s’essuyer, boit beaucoup, semble très éprouvé et complètement perdu sur scène ne sachant que faire. Peut-être est-ce la préparation de cette tournée qui a été bâclée ? En à peine une heure l’affaire est emballée et c’est presque un soulagement tellement le résultat fait peine à voir. Pour n’importe quel artiste on aurait hurlé avec les loups, crié au scandale, réclamé un remboursement à corps et à cris. Pourtant on n’éprouve ni colère ni déception, on est, bien au-delà de tout ça, simplement triste. On a voulu y croire, qu’il était possible de rattraper le temps perdu, d’arrêter la cruauté des horloges. Mais il est tout simplement trop tard… Il règne comme un parfum de fin de règne lorsque l’on quitte le zénith dans le jour finissant, il est alors 21h30 et la nuit n’est même pas encore tombée. Les sixties c’était il y a fort longtemps…  

mercredi 5 juin 2013

The Stone Roses + The Strypes, La Cigale, 3 juin 2013.



Fer de lance du mouvement Madchester, ce vent de folie entre rock et techno balbutiante qui a soufflé sur Manchester à la fin des années 1980, The Stone Roses avait rencontré un succès phénoménal avec leur premier album (un chef d’œuvre du rock british soit dit en passant) avant de connaître les pires difficultés à enregistrer la suite. Le groupe s’est séparé vers 1995, dans un nuage d’incompréhension, après seulement deux albums, laissant un goût amer dans la bouche de leurs nombreux fans éplorés. Un gâchis. Après chacun a suivi sa route, le chanteur Ian Brown faisant carrière solo, le bassiste Gary Mounfield (aka Mani) officiant chez Primal Scream, le guitariste John Squire est devenu un artiste peintre et photographe exposé, ayant également sorti deux albums en solo. Seul le batteur Reni ne donnait guère de nouvelles depuis les nineties. Et puis, surprise, fin 2011, le quartet annonce une reformation que plus personne n’attendait et annonce dans la foulée une tournée qui arrive enfin jusqu’à nous (après un passage à Lyon l’année dernière). Ce soir je vais voir les Stone Roses, pour la première fois depuis le 11 mai 1995 (c’était dans une autre vie), date de leur passage à feu (sans jeux de mots) l’Elysée-Montmartre. Voir le quartet enfin réuni sur scène fait un choc. Les années ont passé, les rides se sont creusées, les chevelures ont blanchies. Le balourd barbu derrière la batterie, c’est Reni vraiment ? Il semblerait que oui, il a toujours le même bob (les yoyos ont par contre disparus). Finalement John Squire est celui qui accuse le moins le poids des ans, possédant toujours cette fine silhouette d’ado frêle. Musicalement les mancuniens assurent toujours avec autant de classe. La section rythmique Mani (superbe collection de basses customisées demi-caisses) et Reni, incroyable de souplesse rythmique, distille toujours ce groove inimitable. Le tout mélangé aux influences plutôt rock classique sixties de John Squire. On pourrait toutefois reprocher à ce dernier d’être parfois un peu brouillon, surtout au début du concert et notamment sur un « fool’s gold » exagérément longuet. C’est peut-être dû à la nature intrinsèque de la musique des Roses autant empreinte de rock psychédélique que de groove dance (la coda d'« I am the Resurrection »). Ian Brown est mixé bien en avant pour essayer de masquer ses limites vocales (manque d’amplitude et de justesse particulièrement flagrant sur "I am the Resurrection"). C’est à peu près les seules critiques que l’on peut émettre car, une fois que la mire est bien réglée, la machine est lancée à pleine vapeur. Et c’est une déferlante de tubes qui s’abat sur la cigale et l’on renoue avec ces chansons un peu comme on retrouve un vieil ami : « Ten Storey love song », « Breaking into heaven », «She bangs the drums », « This is the one », « Waterfall / Don’t stop», « Made of stone »… C’est énorme, énorme, énorme !!! La nostalgie est à son comble. La folie s’empare de la salle, les verres de bières volent au dessus du public qui saute avec entrain, les bras en l’air, reprenant chaque refrain en cœur. Un quart d’heure après la dernière chanson, le public n’avait toujours pas vidé les lieux, hurlant à pleins poumons, réclamant un refrain qui ne venait pas… Incroyable. En première partie on a pu admirer les ados de The Strypes (des types plus jeunes que Jake Bugg, c’est dire) qui ont assuré dans un registre mod/mersey beat, avec l’entrain de leur jeunesse et la bouteille de vieux routiers du rock. Très prometteur.


  

dimanche 2 juin 2013

Django Unchained




Réalisateur mélomane, Quentin Tarantino a toujours été particulièrement attentif à l’aspect musical de son cinéma. Aussi, plutôt que de confier les rênes à un compositeur sans être certain d’aimer le résultat de son travail, Tarantino préfère piocher dans sa discothèque personnelle pour accompagner ses images. Un travail d’archéologue, collectionneur de disques invétéré, qui est devenu la spécialité de Sir Quentin à tel point que certaines des BO ainsi composées sont devenues des albums cultes à leur tour. Son dernier film en date, Django Unchained, disponible depuis peu en DVD et bluray, n’échappe à la règle et Quentin nous convie une fois de plus à un savant festival de sons, créant des passerelles entre les genres et les époques, un peu comme une virée en bagnole en sa compagnie. Le tout entrecoupé, comme toujours, d’extraits de dialogues du film. Inspiré ce coup ci par le western spaghetti, comme il a pu l’être auparavant par la blaxploitation ou le film de kung fu, c’est bien évidemment dans ce  matériau là que Tarantino a principalement pioché recyclant des thèmes chipés aux compositeurs Luis Bacalov, Riziero Ortolani ou Ennio Morricone (c’est une autre de ses spécialités piquer la musique d’autres films pour la mettre dans le sien). Un petit tour par le folk/country 70s via Jim Croce et on se retrouve en plein gangsta rap avec les titres de Rick Ross et 2Pac (ce dernier étant décédé depuis pratiquement 20 ans). La soul, d’obédience plutôt contemporaine, n’est pas non plus absente des débats : le très joli duo Anthony Hamilton/Elayna Boynton et l’excellent single « Who did that to you ? » de John Legend que l’on a entendu un peu partout depuis la sortie du film. Le mélange est décapant, le grand écart plutôt habile. C’est tout le talent de Quentin Tarantino que de se faire rencontrer les extrêmes. Une fois de plus le tour de passe-passe fonctionne.