lundi 26 août 2013

Rock en Seine 2013

Alex Hepburn (c) Nicolas Joubard

Alt-J (c) Sylvere Hieulle
Franz Ferdinand (c) Nicolas Joubard

Belle and Sébastian (c) Nicolas Joubard
Johnny Marr (c) Sylvere Hieulle

Vendredi 23 Aout : Pour ce qui sera la seule journée vraiment estivale du week-end, on commence par faire un tour du côté de l'exposition. Comme chaque année, le festival a demandé à des artistes, souvent issus de la bande dessinée ou de l'art plastique, d'illustrer un des concerts du week-end. En tout 60 affiches inédites comme autant de réinterprétations de l'univers de chaque groupe présent. Une excellente initiative qui fait renouer Rock en Seine avec la grande tradition des posters psychédéliques née du côté de San Francisco à la fin des années 1960. On prend ensuite la direction de la scène pression live pour retrouver les New-Yorkais de Skaters pour leur première apparition dans notre capitale. Casquettes, grosse énergie punk et quelques éléments électro pour faire moderne, rien de vraiment neuf à se mettre sous la dent. On revisite ensuite nos souvenirs d'adolescence avec les écossais de Belle and Sebastian (nom hérité d'un feuilleton télévisé français des années 1970). Venu en grande formation, une dizaine de membres, trompette et cordes incluses, les écossais ont réussi le pari d'adapter leur style, plutôt rêveur, aux contingences d'un grand festival en plein air. On aurait pu craindre une prestation lénifiante mais ce n'est absolument pas le cas. Leur pop/folk prend parfois des atours disco propres à faire bouger la foule. Très réussi. Puisqu'on en est à évoquer des souvenirs, continuons dans cette veine nostalgique en compagnie de Johnny Marr. Guitariste prodige, ce dernier sort, à la surprise générale, son premier véritable album en solo quelque 25 ans après la dissolution des Smiths. Le set est très pop/rock, dans une veine toute britannique, et bien évidemment c'est la guitare de Johnny qui mène la danse. La surprise est grande de voir Johnny se glisser dans les guêtres de Morrissey et chanter « By your side » et « Big mouth strikes again ». La foule se soulève comme un seul homme, c'est le tonnerre d'applaudissement. C'est beau, c'est émouvant et avouons-le, on a la gorge un peu serrée. Johnny on t'aime ! Il y a bien une lumière qui ne s'éteindra jamais... Après un tel torrent d'émotions, il nous fallait bien Alt-J pour continuer à planer. La pop électro planante fait une nouvelle fois merveille entre les marronniers du parc de Saint-Cloud alors que le soleil se couche, c'est parfait. Le son du groupe est marqué par un travail très particulier du batteur qui joue sans cymbales. Malheureusement le public trop nombreux explose la jauge de la scène de la cascade et il est un peu difficile de profiter pleinement du groupe, c'est les aléas du plein-air... On continue notre journée « so british » avec Franz Ferdinand, dont c'est le grand retour. On ne dira jamais à quel point la musique de Franz Ferdinand est fondamentalement rythmique et funky. On en veut pour preuve la fin du set, où le groupe entier se retrouve en cercle autour de la batterie, frappant de concert dans une sorte de trip tribal. C'est quoi qu'il en soit très entraînant et parfaitement calibré pour un festival. Les écossais, dont le nouvel album sort ces jours-ci, sont dans une forme olympique. Grande nouvelle ! On termine enfin par un dernier détour vers la scène pression live pour admirer la belle Alex Hepburn, que la critique compare déjà à Janis Joplin et Amy Winehouse. Il y a, certes, un peu de cela mais n'exagérons rien quand-même. Un peu soul mais intrinsèquement pop, Alex Hepburn ressemble à une Amy Winehouse clean. La voix est moins profonde et éraillée que sur disque, le tout semble un peu téléphoné. Mais ne soyons pas chien, l'ambiance qui se dégage est parfaite pour finir la soirée. Les regrets du jour seront d'avoir râté Tame Impala (qui passait en même temps que Johnny Marr il fallait choisir) et Hanni El Khatib : perdus dans le noir on a été incapable de retrouver la scène de l'industrie ! Il est temps d'aller se coucher à demain...
 
Eugene McGuinness (c) Sylvere Hieulle

BRMC (c) Sylvere Hieulle

Eugene McGuinness (c) Sylvere Hieulle

Laura Mvula (c) Sylvere Hieulle

NIN (c) Sylvere Hieulle

Valerie June (c) Sylvere Hieulle
 
 
Samedi 24 Août : Une couleur s'impose aujourd'hui : le noir. La venu de Nine Inch Nails fait sensation après plusieurs années d'absence et les fans gothiques du groupe déferlent sur le site du parc de Saint-cloud. Mais avant que la grand messe noire ne commence, un détour par la grande scène s'impose pour retrouver Eugene McGuinness. Auteur d'une énième volte-face artistique, Eugene a récemment sorti un nouveau single « Fairlight » qui le voit désormais flirter avec le rock psychédélique. Changement également de line-up avec une nouvelle formation désormais plus axée sur la six cordes, son frère Dominic délaissant le clavier pour la guitare. Il s'agit d'un nouveau son pour Eugene désormais plus garage/Mersey beat que jamais. Les compositions retrouvent une nouvelle jeunesse, et cela marche à merveille sur « Lion » qui justifie que l'on restât jusqu'au bout. A noter beaucoup de nouveaux titres furent joués, probablement extraits de son futur nouvel album. Un petit mot sur les parisiens JC Satàn, que l'on a aperçu malheureusement un peu vite et d'un peu trop loin (les aléas d'un festival une fois encore) mais qui ont l'air suffisamment barrés, dans une veine garage/métal, pour que l'on y revienne. Changement radical d'ambiance ensuite avec la délicate Laura Mvula, notre premier coup de cœur du festival, chanteuse d'obédience soul-jazz. L'instrumentation est assez originale avec harpe, violon, violoncelle, contrebasse et batterie. Laura assurant le chant et le piano. C'est beau, c'est doux, ça fait du bien. La voix de Laura est magnifique. Comme quoi il est toujours possible de faire une pause dans la montée de décibels. Après cet intermède on repart de plus belle avec Black Rebel Motorcycle Club, excellent combo mené par Peter Hayes et Robert Levon Been qui se partagent guitares et voix. Si BRMC excelle dans une sorte de friche sonique du rock nourri au stoner, de nombreux éléments nous ramènent à la nature intrinsèquement blues de la chose, notamment l'harmonica. Excellent ! Mais l'heure tourne et tourne encore et arrive l'heure fatidique : 20h45 et Nine Inch Nails déboule telle une tornade prenant la scène d'assaut. Le set est rythmé par différents changement de plateau, Trent Reznor (une sorte de génie de la chose synthétique) excellent aussi bien dans le métal industriel que l'électro. Le public comme embarqué dans une sorte de grand huit noir passe par différents états de l'excitation des lourdes guitares au paysages contemplatifs des nappes de synthés (on reconnaît Joshua Eustis, moitié du duo électro Telefon Tel-Aviv préposé aux claviers). La voix de Reznor s'adapte à tous les contextes comme le prouve la magnifique ballade « Hurt » qui conclue le périple. Un revirement stylistique plus loin on retrouve la scène pression live et une Valerie June particulièrement guillerette. D'abord en solo puis accompagnée de son groupe (légèrement remanié et réduit autour de la batterie, de la guitare et de la basse) Valerie n'a de cesse de revisiter les différents styles musicaux de son sud natal : country, bluegrass, folk, blues et soul. C'est un magnifique périple en musique au milieu d'un désert ocre qui conclut notre journée.

The Computers (c) Victor Picon
The Computers (c) Victor Picon

Lianne La Havas (c) Nicolas Joubard


Dimanche 25 Août : Et c'est déjà le dernier jour, le temps passe décidément trop vite. Le soleil a définitivement déserté le parc de Saint-Cloud, le vent et la pluie s'installent durablement, cela ressemble (déjà) à une journée d'automne. On commence par le trio St-Lô, alliance trans-Atlantique entre deux électroniciens Bretons et Hanifah Walidah, une extraordinaire chanteuse soul/rappeuse Afro-Américaine de Brooklyn au look androgyne. Leur reprise de « Where did you sleep last night » de Leadbelly est vraiment intrigante. Retour ensuite vers la grande scène pour retrouver The Computers, groupe anglais bien mal nommé puisque évoluant dans un subtil mélange de rockabilly et de rock garage. C'est dire si le quintet tiré à quatre épingles dans des costards vintage assortis, déménage. Certes les grincheux pourront (à raison) arguer du fait que tout cela ressemble fortement à Jim Jones Revue, y compris le piano boogie révolté, mais qu'importe tant que l'ivresse rock n'roll est là... Sur le stand, un peu oublié, Région Île de France, réservé aux jeunes groupes de la région, The Blackfeet Revolution nous donne notre dose d'adrénaline rock n'roll pour la journée. Au croisement du blues, du rock garage et du stoner, le duo batterie/guitare fait montre d'un enthousiasme et d'une envie à toute épreuve. Prêt à tout dégommer, « foutre le bordel, mettre le feu » comme ils le disent eux-mêmes. Le sol tremble ! Excellente prestation de ce jeune duo, que, dans un monde parfait, on devrait retrouver bientôt sur les autres scènes comme les grands. Courage les gars ! Ca fait en tout vraiment plaisir et on quitte ce stand intime, qui rappelle l'ambiance d'une petite salle de concert, le sourire jusqu'aux oreilles. Quoi de mieux pour redescendre en douceur de ce pic d'excitation que la très belle Lianne La Havas, notre deuxième coup de cœur du week-end ? Magnifique chanteuse au timbre très soul, Lianne joue d'une délicate guitare, sans médiator et tout en arpèges. Très très beau. On termine notre week-end avec une autre chanteuse VV Brown dont la nouvelle orientation artistique nous laisse perplexe. Le nouveau projet s'articule autour d'un concept inspiré du mythe de Samson et fait la part belle à la synthpop. Quel contraste avec le tube « Shark in the water » ! Comme elle le dit elle-même : « new sound, new music, new VV »... Quoiqu'on en pense, VV Brown reste une chanteuse à la voix remarquable.

Portrait The Bloody Beetroots

(c) Victor Picon

Il est comme ça Bob Cornelius Rifo (aka Simone Cogo, son véritable patronyme), la tête pensante des Bloody Beetroots, jamais il ne quitte son masque, inspiré de celui de Spiderman, même lorsqu'il s'agît d'assurer une conférence de presse. Une habitude qui a plus à voir avec la grande tradition du carnaval de Venise, ville située à quelques encablures de la banlieue ou il a grandi, qu'avec les Daft Punk comme on aurait pu le croire dans un résumé aussi facile que paresseux. Lorsqu'on lui apprend que l'on a croisé sur le chemin deux zigotos déguisés comme lui, Bob est hilare : « Excellent ! C'est exactement ce que je recherche. Tout le monde peut incarner mon personnage ». Un peu comme si les betteraves sanglantes tenaient plus du concept aux contours un peu obscurs que du groupe véritable.

Affalé sur le canapé le musicien est aimable, prévenant avec tout le monde voire même carrément hilarant lorsqu'il se lance dans une imitation de Stevie Wonder (apparemment membre honoraire de son panthéon personnel). Bref, à l'opposé de la petite boule de nerfs qu'il est sur scène, ce personnage possédé que l'on observe parfois avec effroi. Lorsqu'on évoque avec Simone son passage remarqué au Eurockéennes de Belfort, le mois dernier un seul mot vient à l'esprit : « insane » (dément) ce qui laisse apparaître chez lui un sourire aussi entendu que satisfait, laissant peu de doute sur ses intentions véritables. De fait les Bloody Beetroots entretiennent cette dichotomie remarquable leur musique peut se faire douce, pop et planante, surtout lorsque Bob s'installe au piano, jusqu'à évoquer la musique classique, influence pleinement revendiquée par l'Italien lors de la conférence de presse. Mais les Bloody Beetroots, c'est aussi une face beaucoup plus sombre de l'électro, ultra-violente, un véritable punk du 21ème siècle dans l'attitude. Sur scène, d'après nos souvenirs de Belfort toujours, l'expérience peut se révéler aussi traumatisante que fascinante. Dangereux mais excitant. Effrayant tellement le groupe repousse loin (mais vraiment très loin) les limites de l'intense. A croire que ce type possède un interrupteur on/off dans le cerveau. Comme le résume Simone : " Les Bloody Beetroots c'est tout et rien en même temps. Ce n'est pas un projet, c'est une succession de couches du même projet".

L'actualité chaude pour les Bloody Beetroots, c'est la sortie du nouvel album, le deuxième, intitulé « Hide », ces jours-ci. Un disque intriguant puisqu'on annonce une collaboration, pour le moins surprenante, ce n'est rien de le dire, avec Paul McCartney : « Personne ne savait ce que cela allait donner, moi le premier. J'ai travaillé avec lui de la même façon que j'ai bossé avec Peter Frampton, en essayant de se faire rejoindre les extrêmes. Il y aura beaucoup de surprises sur ce nouveau disque. C'est mon préféré jusqu'à présent ». Affaire à suivre...
 
Propos recueillis à Rock en Seine le 29 août 2013 lors de la conférence de presse donnée par le groupe.

Www.facebook.com/thebloodybeetroots

jeudi 22 août 2013

Young Rival : « Stay young »




Premier album pour cet excellent groupe Canadien. Si les premiers titres (« Black Popcorn », « Nothing you know well ») peuvent laisser à penser que l'on affaire a une resucée des Strokes circa 2001, rapidement Young Rival mélange habilement les cartes et laisse deviner d'insoupçonnées cordes à son arc. Relecture du rhythm n'blues (« Black is good » ; « Authentic ») voire blues pop (« Better things to do »), Young Rival étonne, surprend au point que l'on pourrait croire à un nouveau groupe mod pétri de culture sixties (« Two reasons » ;"The Ocean"). Le groupe a pour lui un sens de l'accroche irrésistible, du riff de guitare qui retient l'oreille. La fulgurance de l'interprétation et le rythme effréné mais plein de swing (« Tee shirt and shorts ») de la chose séduit au final. Un album sans prétention, certes pas foncièrement original, mais finalement assez plaisant et agréable à écouter. En résumé, tout indiqué pour une écoute estivale.


The Strypes : « Snapshot »


D'abord découvert à la Cigale enpremière partie des Stone Roses puis aux Eurockéennes de Belfort, les Irlandais de The Strypes nous ont, par deux fois, laissés pantois devant tant de classe rock n'roll, à tel point que l'on peut affirmer, sans ambages, que l'on tient là de sacrés phénomènes et, à tout le moins, la grande révélation de cet été 2013. Alors que l'été, hélas s'achève déjà, les Strypes s'avancent vers un premier rendez-vous : la sortie, tellement importante pour un jeune groupe, du proverbial « tant attendu » premier album. Et là, c'est la grande claque. Une grosse demi-heure, le disque est du genre court et nerveux comme à la grande époque des LPs, et déjà tant de promesses. Les Strypes puisent à la source, les années 1960. A la manière des mods d'antan, les jouvenceaux irlandais réinterprètent le rhythm n'blues original, typiquement étasunien, avec une classe toute britannique. On pense aux Who, aux Kinks, aux Jam... Leur musique se fait tour à tour langoureuse, sexy et bluesy à souhait (« Angel Eyes ») ou sacrément racée, le pied au plancher et à fond les guitares (« I can tell »). Le répertoire est en grand partie original et les reprises choisies avec soin (« You can't judge a book by the cover ») La présence ici et là d'un harmonica (« perfect storm ») nous rappelle bien qu'il n'est point de grande musique qui ne découle, directement ou non, du blues. Idiome dans lequel ils sont parfaitement crédibles. Devant tant de classe et de maîtrise on oublierait presque que l'on affaire à une bande d'ados, car les Strypes ont, environ, 16 ans de moyenne d'age : incroyable ! C'est sur qu'avec eux, l'avenir de notre bon vieux rock n'roll est assuré !
 

lundi 19 août 2013

James Skelly And The Intenders : « Love Undercover »


The Coral (définitivement?) séparés, c'est désormais en solo que l'on retrouve les anciens champions de la britpop du 21ème siècle. Cette année 2013 aura donc vu la sortie des albums solo des ex-compagnons Bill Ryder-Jones et James Skelly, le cas qui nous occupe aujourd'hui. Sur ce nouvel effort, James Skelly reste fidèle à son fantasme des années 1960/1970, mais son amour immodéré des musiques noires américaines, « You've got it all » et sa rythmique purement Motown, le rapproche d'un Paul Weller (qui participe d'ailleurs au disque, patronage hautement recommandable). A la manière des Jam d'antan, Skelly tente donc un rapprochement entre rock typiquement British, on pense souvent aux Kinks, et musiques noires étasuniennes, la bluesy « Do it again », le plus souvent avec un certain succès. James Skelly n'est pas insensible non plus au rock venu des Etats-Unis, des compositions comme « You and I », « Sacrifice » ou « Searching for the sun » seraient plutôt dans une veine folk/rock épique à la Tom Petty (un peu) ou Bruce Springsteen (beaucoup) ; refrains qui, dans un monde parfait, seraient repris en coeur pendant les festivals. Un effort solide et maîtrisé qui, hélas, passe un peu inaperçu.



dimanche 18 août 2013

Rencontre avec Nadéah.


C'est à l'occasion de la sortie de son dernier EP en date, « Whatever lovers say », que nous avons rencontré Nadéah, la plus française des australiennes. L'occasion pour cette dernière d'évoquer son pays natal, son rapport à la musique et ses influences, sur lesquelles elle s'exprime avec passion et érudition.


Tu viens de loin, l'Australie !
Nadéah : Ouais, c'est un long voyage.

Pourquoi la France ?
- Je crois que ma mère est partie quand j'avais sept ans. Elle est venue en France pour trois mois, et elle est tombée amoureuse du pays. Elle m'envoyait des cartes postales, des sachets de chocolat chaud... Je crois que grâce à elle, je suis aussi tombée amoureuse d'un pays que je connaissais pas. J'imaginais les Français comme des gens très sophistiqués, très cultivés. Et puis j'aimais bien la langue. Et les croissants ! Petite, j'adorais la cuisine française, le pâté et tous ces trucs là.

Tu habites en France depuis longtemps, quelle est ta maison maintenant ?
- Je me sens bien ici maintenant. L'Australie c'est toujours chez moi, mais je n'ai pas envie d'y habiter. L'Australie, je peux y aller pour me reposer. Mais la France c'est beaucoup mieux pour travailler, rencontrer des gens. Pour être au cœur de l'action.

Tu as entretien toujours une attitude positive, tu essaye toujours de profite au maximum des choses...
- J'ai longtemps été très déprimée. Je voyais tout le temps ce que je n'avais pas, ce qu'il y avait chez les autres. Au bout d'un moment j'ai commencé à faire des exercices. Toutes les nuits j'écrivais une liste, je disais merci à la vie pour telle ou telle chose. Le bonheur, c'est comme un muscle il faut le faire travailler pour le faire grandir. Un jour tu attends le bus, tu es de mauvaise humeur, tu peux toujours faire une liste de ce qu'il y a de positif dans ton existence. En fait cela change les synapses dans ton cerveau. Tu as un nouveau cerveau, littéralement.

Ta musique sonne de manière très américaine, avec beaucoup d'influences venues du folk et du jazz. Quel est ton background musical ?
- Il y a effectivement un mariage entre folk et jazz. Mais moi mon instrument préféré c'est la contrebasse. C'est un instrument magnifique, depuis toute petite j'adore ça ! C'est le meilleur du monde. J'ai toujours su que je voulais une contrebasse dans le groupe. Alors évidemment cela donne un côté parfois jazz parfois country. L'Australie, c'est un pays très rock AC/DC et tous ces trucs là. Moi je suis plutôt folk, c'est un style dont j'aime aussi les paroles. Moi j'aimais les Beatles, Bob Dylan et Pink Floyd. Mais le groupe que je préférais au dessus de tout c'était le Velvet Underground. Ce n'était peut-être pas un groupe bluffant d'un strict point de vue technique, mais les paroles et la musique étaient d'une grande sincérité. De la pure expression. Et c'est exactement cela que je recherche dans la musique. Je n'ai aucun désir d'inventer quelque chose parce que pour inventer il faut utiliser des ordinateurs. Moi je veux une expression authentique dans tout ce que je fais. Maintenant tout le monde écoute des ipod et passe d'un truc à l'autre. C'est une mauvaise habitude.

Le Velvet c'était un groupe très sombre...
- Oui mais Lou Reed est toujours vivant et fait encore de la musique. Et ce malgré le fait que le Velvet, à l'époque n'a pas marché du tout. Lou Reed cela lui à pris une décennie avant d'avoir du succès après « Transformer ». Et moi je sais ce que c'est de continuer à avoir la foi même si ton projet ne marche pas, de t'accrocher. C'est un beau parcours. D'ailleurs je ne pense pas que Lou Reed était un grand dépressif, il décrivait simplement son époque et ce qu'il a vécu.

Mon titre préféré sur le nouvel EP c'est « Humdrum », j'ai trouvé le passage instrumental final assez impressionnant, cela m'a un peu rappelé Tom Waits...
- J'adore Tom Waits, son univers. L'EP, on l'a enregistré entièrement en live, ce qui nous laisse de la place pour l'improvisation, comme sur le final de « Humdrum ». L'album était très orchestré et n'avait pas été enregistré en direct, c'était une autre approche. Là on pouvait vraiment laisser les musiciens partir et improviser sur le thème. J'adore ça !



Ta façon de chanter est assez particulière, le chant c'est quelque chose que tu travailles beaucoup ?
- Non, je ne suis vraiment pas assez sérieuse. Il y a tellement de choses à faire, la musique, les concerts, les vidéos... Et tout ce bordel d'internet, c'est génial mais ça prends vraiment beaucoup de temps. Donc je ne pratique pas beaucoup mais j'ai un bon prof qui vit en Angleterre. Je l'appelle beaucoup, dès que j'ai besoin d'échauffement.

Tu chantes au téléphone ?
- On skype. Une ou deux fois par an, je vais lui rendre visite à Londres. Ca fait plus de dix ans que je travaille avec lui.

Et ta voix de chant, tu as eu du mal à la trouver ?
- En fait, je ne suis pas sure de l'avoir trouvée. Je suis toujours en recherche. Moi j'aime bien suivre le feeling de la composition. Cela m'ennuie d'avoir à chanter d'une façon bien précise. C'est pour ça que j'aime bien chanter mes propres compositions.

Tu as un nouvel album qui sort bientôt ?
- Non pas vraiment. Pour faire cet EP, on a déjà utilisé trois chansons qui étaient prévues pour le deuxième disque. Ca fait un tiers d'album (rires) ! Je suis actuellement en phase d'écriture. On a treize ou quatorze titres pour le moment. Après on doit trouver un producteur, travailler sur la pochette etc... Ca prend beaucoup de temps. C'est un des mystères de la musique, pourquoi ça prend autant de temps... Enfin c'est comme ça dans la vie en général (soupir)...

Propos recueillis le 20 novembre 2012.
www.nadeah.com 
 
 



lundi 12 août 2013

Cleo T. : « We all »



Nouvel EP pour cette jeune chanteuse française découverte il y a quelques années de cela avec le projet « songbirds singing ». Cette nouvelle livrée de quatre titres met en lumière un univers artistique inspiré de la belle époque à l'image de la sublime pochette très art nouveau, ou Cléo, magnifique et les yeux clos, apparaît mi-Louise Brooks, mi-Sarah Bernhardt. Le disque rayonne d'une mystérieuse lumière noire, nocturne mais pas sombre, étrangement lumineux. Musicalement, Cléo T se situe à un étonnant carrefour entre torch-song jazzy, « Me & The Ghost », et cabaret Berlinois « Wie traurig dieser Abend », chanté dans la langue de Goethe, s'il vous plaît. Cléo marque les esprits par sa présence vocale, le lyrisme exacerbé de son chant passionné et son romantisme à fleur de peau. Conséquence logique, l'ep se termine par une reprise, façon bastringue, de « Someday my prince will come ». Mais oui Cléo, ton prince viendra un jour...



dimanche 11 août 2013

Interview avec The Dedicated Nothing


(c) Bastien Bonnarme

Surfeurs pratiquant une musique d'inspiration plutôt cold wave, les Dedicated Nothing, originaires de Biarritz, sont de visite à Paris. Après La Femme et Chocolaté (dont les lecteurs le plus fidèles de cette page se souviennent peut-être) voici une nouvelle preuve de l'éclatante santé musicale du Pays Basque.

Un petit mot sur le nom du groupe pour commencer ?
- C'est une catégorie de surfeur. Mais pour bien comprendre, il faut d'abord savoir que l'on est du sud-ouest (de Biarritz, ndlr) et le surf, on le voit tous les matins sur le pas de notre porte. Notre lien avec le surf et surtout d'ordre contre culturel et esthétique. Notamment tout ce qui a trait avec les origines, la Californie, les années 1950. C'est l'époque de Miki Dora (qui a longtemps vécu sur la côte Basque), une icône du surf, rebelle, bad boy, artiste. C'est lui qui a inspiré cet aspect contre-culturel du surf. En écrivant ses mémoires, Miki Dora c'était amusé à classer les surfeurs en différentes catégories : les punks, les freaks, les kooks et les dedicated nothing. C'est son point de vue bien sur, mais cela nous correspondait pas mal...

Et pour être plus précis, c'était qui les Dedicated Nothing au juste ?
- Littéralement on ne se dédie à rien et on profite surtout de ce qu'on aime et de ce qu'on envie de faire. C'est notre interprétation du moins. On essaie d'éviter de rentrer dans les cases et de lâcher prise. En ce qui concerne la musique, jusque là c'est comme ça qu'on le vit et ça se passe super bien.

Et Miki Dora, il vous a beaucoup inspiré alors ?
- C'était l'icône sulfureuse et rebelle des années 1950-1960. Il s'est même rebellé contre la médiatisation à outrance du surf, le côte Dick Dale, Beach Boys. Sa posture nous plaisait, cela nous correspondait pas mal. Après la référence n'est pas musicale. Nous musicalement on serait plutôt inspiré par la côte est des Etats-Unis plutôt que la Californie. On a construit notre univers autour du personnage, le noir et blanc, le grain des photos, la sophistication de l'époque... En plus c'était un surfeur très connecté avec la scène hollywoodienne, les musiciens, photographes et les gens du cinéma. Cela faisait un bon lien. On est vraiment à la croisée des chemins entre la contre-culture surf et ce qu'on fait vraiment, du rock plutôt inspiré par l'Angleterre.

Et vous surfez ?
- Carrément ! On surf tous depuis longtemps, cela fait partie de notre vie quotidienne. Comme les parisiens font du squash, nous on surfe. C'est notre activité, notre loisir. On travaille aussi (rires) !

Justement, l'océan vous inspire-t-il ?
- Oui mais il y a un espèce de cliché autour du surf : blond platine, combi VW, chemises à fleurs et pétards. Sur la pochette de l'EP, il y a cet esprit un peu plage mais très noir, dark, sombre. Finalement on se retrouve plus dans l'univers urbain, musical et stylistique. C'est là qu'on puise ce qui nous intéresse. On aime l'Océan, on le voit tous les jours, cela fait partie de nos vies. Mais on n'y puise pas d'inspiration particulière. Dans nos textes il n'y a pas l'esprit « sunny », palmiers, cocotiers.

Comment est né le groupe ?
- En fait les quatre morceaux de l'ep sont arrivés très naturellement puisque ce sont nos quatre premiers morceaux. On se connaissait tous en fait de nos projets antérieurs. La règle d'or du groupe c'est pas de reprises. On veut vraiment « faire » de la musique. Pour nous, pour se faire plaisir. Le premier titre qui est sorti de notre première répétition c'était « running away » qui a finalement donné son nom à l'ep. Au niveau composition, cela a tout de suite bien marché entre nous. Cela nous a plu. Les idées sont sorties assez vite. Les trois morceaux suivants sont la suite de « running away ». Tout cela n'a pas forcément été très réfléchi finalement.

En écoutant l'ep, j'ai surtout pensé aux groupes cold-wave. Cependant il y a un titre un peu plus fun, pop « love me girls »...
- C'est un morceau très spontané, le riff est sorti en premier on a rajouté un beat un peu dansant, assez électro dans le fond, qui donne envie de bouger la tête. Et voilà ! « Love me girls » ! (rires). En général le chant vient en dernier dans nos chansons. Celui de « love me girls » est très simple, l'idée c'est il faut bouger ! En concert, les gens partent dessus, direct. On aime bien la jouer en live. C'est pop mais en même temps cela représente bien de quelle manière on voit la musique : on n'est pas cloisonnés dans un style. « Running away » peut-être très dark et « Love me girls » très ensoleillée. Nos thèmes sont assez concentrés autour de la chute, le début et la fin de la vie. On trouve intéressantes ces variations d'intensité, de profondeur, de pesanteur sur les morceaux. C'est quelque chose que l'on retrouve sur l'ep mais aussi sur nos sets en live. Cela donne une belle vie à nos concerts. Si on faisait « running away » pendant cinquante minutes je pense qu'on finirait tous chez le psy ! C'est assez lourd quand-même (rires). C'est nos quatre premiers morceaux de toute manière, on ouvre le spectre. L'album aura une couleur plus définie.
 
Personnellement, j'ai beaucoup entendu les influences, Interpol entre-autres. Pour être honnête cela m'a un peu gêné...
- Ah bon ? On écoute beaucoup de rock indé, on baigne dans un son en quelque sorte. Et Interpol a influencé plein de monde. Tout ça, c'est comme une bulle géante de rock indé. Tout est casé dans des cases quelque part et inconsciemment, cela ressort. Ce qui intéressant dans notre groupe, c'est que au-delà de notre socle commun, on apporte tous des couleurs différentes. Le spectre des influences est du coup beaucoup plus large. Et c'est pour cela que ça fonctionne entre nous. Par exemple Clément, le guitariste, va chercher dans la britpop, la cold-wave ça n'était pas forcément son domaine de prédilection. Ca l'est devenu quand on a commencé à faire de la musique ensemble. On emmène chacun notre pierre à l'édifice, notre petite touche. Et jusqu'ici cette complémentarité nous va bien.

Vous avez déjà essayé de chanter en français ?
- C'est une bonne question. En fait l'anglais nous vient naturellement. J'ai habité (Grégoire, le chanteur, ndlr) à l'étranger une vingtaine d'années et j'ai appris l'anglais avant le français. Du coup, après avoir autant écouté de musique anglaise en plus, c'est l'anglais qui me vient en premier. Personnellement, je ne sais pas bien chanter en français. En fait, la question ne s'est même pas posée. Greg est bilingue, il n'a pas d'accent. Est-ce qu'un jour on chantera en français ? Rien n'est impossible. Mais bon franchement, notre culture musicale n'est pas française. On est imprégné d'autre chose... On a tous beaucoup voyagé et au final on est imprégné d'une culture plus internationale, européenne, anglo-saxonne que franco-française. Enfin niveau musique, parce que pour la bouffe et le pinard, on est bien français (rires) !

Et votre album alors ?
- Il est quasiment prêt. Il sera bien et même plus que ça (rires) ! En fait on a mené deux travaux en parallèle. D'un côté le live, on a fait beaucoup de concerts ces six derniers mois ce qui nous a permis de travailler et tester nos chansons. C'est la finalité de notre musique, on l'écrit pour la jouer en live, pour que les gens la vivent en concert. Ensuite on retranscrit en studio. Mais cet EP est déjà important pour nous, c'est la première fois que l'on sort un disque. Tout est allé très très vite, le groupe n'existe que depuis deux ans. On a quatorze titres qui tournent sur scène. On a hâte d'avoir un feedback, le plus neutre possible. On a hâte de voir ce que cela donne.

C'est émouvant la sortie d'un premier disque ?
- Ouais, c'est super émouvant. L'autre jour on regardait le cd, c'est vraiment un bel objet. Il y a une dimension physique, organique.

C'est bien de dire ça, car avec le numérique on perd justement cette dimension physique...
- Oui, c'est justement quelque chose qui nous avait marqué, le jour où on a reçu les exemplaires physiques de notre EP. La matérialisation, le sentiment d'avoir « fabriqué » quelque chose. On aimerait faire un vinyle, faire quelque chose qui reste pas juste dans une case sur internet qui après va disparaître. C'est une part importante de notre vie, la musique c'est quelque chose de très prenant. Et le cd, il restera à jamais, quoi qu'il arrive. De prendre l'objet, de retirer le plastique, mettre la galette dans le lecteur, appuyer sur « play », c'est une gestuelle particulière et cela reste un plaisir. C'est un peu old school, mais cela existe encore, il faut continuer à le faire.

C'est tout un cérémonial...
- Oui il y a un côté tactile, physique dans notre musique. Notre parti pris, c'est de ne pas utiliser de machines et il n'y a pas d'arrangements non plus. Un disque qui est surproduit en studio, ça ne rend pas en concert. D'où les mauvaises surprises. Nous on est quatre, rien n'est caché, tout vient de nos tripes. Sur scène il n' y a rien de moins. Ca peut paraître « pauvre » en termes d'arrangements mais aujourd'hui on est abreuvés de musique surproduite. On respecte cette démarche, mais nous on a besoin d'une dimension physique, tangible dans notre musique.

L'EP a été enregistré en live ?
- Non mais pour nous la finalité ça serait d'enregistrer notre live. Kenneth Ploquin, notre ingénieur du son, nous l'a dit en sortant de studio : « les gars, le prochain album on l'enregistre en live ».

Vous êtes de Biarritz, la proximité avec la frontière espagnole, San Sebastian, cela vous a ouvert des portes en Espagne ?
- On n'hésite pas à aller voir de l' « autre côté », comme on dit chez nous, pour voir si il y a des opportunités de concerts, on a déjà joué à San Sebastian, et on a partagé plein de fois la scène avec des groupes de l' « autre côté ». Notre clip a été tourné à San Sebastian avec des potes qu'on a là-bas. C'est un endroit qu'on apprécie beaucoup, pas que pour la musique d'ailleurs. On a été suivi par deux trois médias espagnols. On vit vraiment dans une sorte d'inter-culturalité entre Biarritz, San Sebastian, Bilbao... Le programmateur de l'Atabal (la salle de concert « musique moderne », de Biarritz, ndlr) est très connecté avec tout le réseau du Pays Basque espagnol. Il y a une véritable dynamique musicale, entre Bilbao et Biarritz, il se passe vraiment beaucoup de choses. La vie artistique est très riche. C'est une seule et même région de toute façon, certains membres du groupe ont même vécu à « San Sé » tout en travaillant en France, Greg travaille en Espagne.

Propos recueillis le 14 février 2013.





 

THE DEDICATED NOTHING - Love Me Girls (Official... par thededicatednothing

mercredi 7 août 2013

Brandt Brauer Frick : « Miami »



Troisième album pour cet énigmatique trio Allemand, peut-être bien le seul groupe du monde à faire de la musique électronique sans ordinateurs ni synthés mais à partir d'instruments acoustiques. Ce qui ne manque pas de créer une sensation bizarre chez l'auditeur. Comme une chose un peu vintage qui, dans le fond, ne le serait pas vraiment. Un peu comme un groupe des années 1970 expérimental et carrément en avance sur son temps. Troisième album donc, intitulé « Miami », titre trompeur s'il en est, car il n'est ici nullement question de plage, ni de palmiers. Et si Brandt Brauer Frick pensait avec ce disque composer la bande son farniente de l'été, et bien ils se sacrément mis le doigt dans l'oeil. Et c'est tant mieux ! Car en plongeant encore un peu plus loin dans la noirceur, BBF réussit à faire remonter à la surface une certaine idée, étouffante certes, de la beauté. C'est peu dire que cet album est sombre et oppressant, à un tel point qu'il en devient fascinant. Les compositions sont longues, et tournent autour de thèmes répétitifs, rythmiques souvent, qui finissent par virer à l'obsession. Des notes fantômes qui bippent et résonnent à l'infini... La grande nouveauté du disque c'est l'apparition des voix, entre autres, celle de Jamie Lidell, grand expérimentateur devant l'éternel s'il en est. Mais BBF ne faisant jamais rien comme les autres, même avec l'apport du chant, la musique du groupe ne sonne toujours pas comme des chansons « classiques », plus que des paroles, les textes s'apparentent plutôt à des haïkus, courts et répétitifs jusqu'à atteindre une sorte de transe, probablement le but recherché par le trio. Dans ce contexte, les voix s'apparentent à un instrument supplémentaire qui s'ajoute aux autres. Une variable de plus dans l'équation. Un disque qui demande un certain effort de la part de l'auditeur et qui, pour être pleinement apprécié, nécessite une forme d'abandon.


https://www.facebook.com/pages/Brandt-Brauer-Frick/105285089747

lundi 5 août 2013

Gérard Lenne : « Et mes seins tu les aimes ? »


Partant du postulat que personne ne voit jamais le même film puisque chacun ne retient d'une œuvre, qu'elle soit cinématographique ou non, ce dont il a envie, Gérard Lenne, auteur à l'imagination galopante, s'offre un vagabondage littéraire de l'autre côté de l'écran. Mais qu'a-t-il bien pu se passer après qu'Ursula Andress ait sauvé James Bond d'une émasculation au laser (Goldfinger, Guy Hamilton 1964) ? Et que se passerait-il si Séverine tombait sur un client aussi particulier qu'inattendu (Belle de Jour, Luis Bunuel 1967) ? Et si on rendait la pareille à Alex (Orange Mécanique, Stanley Kubrick, 1971) ? Et si Marilyn ne portait pas de culotte en marchant au dessus de l'iconique bouche d'aération (7 ans de réflexion, Billy Wilder, 1955) ? Et si, et si, et si...

Plume alerte, critique de cinéma, cinéphile et cinéphage (20 000 films vus, quand même!) Gérard Lenne signe un divertissant ouvrage, tour à tour décalé, surprenant ou tout simplement ludique, se terminant par un hommage aussi émouvant qu'énamouré à la sublime Stefania Sandrelli (La clé, Tinto Brass, 1983). Une réussite.

Et mes seins tu les aimes ? De Gérard Lenne.
Editions la musardine.
188 pages. 15 euros.



dimanche 4 août 2013

Caroline Lacaze : "En route"


En voilà une surprise qu'elle est bonne ! Découverte après un featuring sur le dernier album en date des Mighty Mocambos et un premier quarante-cinq tours,« l'étrange », Caroline Lacaze sort son premier effort. Et c'est peu dire qu'il s'agît d'un disque que l'on attendait avec impatience. Le single ayant provoqué un émoi certain. Aussi intriguant qu'excitant, finalement la pièce en question porte plutôt bien son nom. Caroline Lacaze, réussit ici un véritable exploit, ou tout du moins l'impensable : faire swinger la langue française. Musicalement, l'album est impeccable et sans faute de goût aucune. Sans exagérer le rendu est aussi net et riche qu'un disque signé daptone records et sonne comme une production des années 1960 et 1970. Le groove est langoureux du début à la fin, et les compositions regorgent de « hooks », ces petites accroches mélodiques que l'on ne peut s'empêcher de siffloter. Et la voix de Caroline est pleine de charme, voire sexy, ce qui évidemment ne gâche rien. Comment dire, c'est un peu comme si Sharon Jones s'était éprise de la langue Molière. Inimaginable. Et pourtant... Et dire que tout ceci se passe dans un anonymat aussi relatif que scandaleux... N'attendez plus, allez, en route !!!



samedi 3 août 2013

Pond : « Hobo Rocket »


A l'instar des cousins de Tame Impala, trois musiciens sont impliqués dans les deux projets, les Australiens de Pond revisitent avec un bonheur certain le rock psychédélique/progressif des années 1960/1970. Cependant, loin d'être des habiles suiveurs, Pond trace sa trajectoire propre, puisant de nouvelles sources d'inspirations dans le rock garage voire dans le hard rock de la même époque. Si les compositions de Pond cultivent cet art d'emporter l'auditeur assez loin, le groupe le fait sur un mode plus électrique. Si l'on doit comparer avec Tame Impala, comparaison assez naturelle après tout, disons que les guitares sont poussées un cran plus loin et que les claviers font le chemin inverse. Le résultat est assez étonnant et plein de surprises, l'auditeur ne sachant jamais très sur quel mode il sera croqué au couplet suivant. « Odarma » se déroule sur un mode acoustique contemplatif alors que « Xan Man » se termine dans un déluge de guitares grandiloquentes digne du hard rock seventies. Ainsi se déroule cet album sur un fil précaire, Pond réussissant à faire cohabiter des ambiances très différentes, alternant tensions et détentes, dans des formats de chansons relativement courts. Les musiciens sont tous excellents mais on adresse une mention particulière à la section rythmique dont l'entregent empêche l'ensemble de sombrer dans un délire baba soporifique. Un disque suffisamment barré pour nous accompagner cet été.



jeudi 1 août 2013

The Dodos : « Carrier »


Le cinquième album de cet excellent quoique méconnu groupe indie de San Francisco s'est déroulé dans des circonstances particulièrement dramatiques après le décès soudain du guitariste Chris Reimer. Un drame qui a laissé des marques profondes chez le leader Meric Long et qui se ressent dans l'écoute de ce nouvel effort. Beaucoup plus axé sur les guitares, l'influence et le souvenir laissé par Reimer sans doute, The Dodos nous offre un album qui fleure bon l'indie rock US tel qu'il était en vogue dans les années 1990. Mettant l'accent sur l'écriture, cette approche « naturelle » donne des résultats des plus séduisants : les arpèges de « Confidence », « Transformer » ou les magnifiques effluves acoustiques de « Relief » ... Sans aucun artifice, le trio (guitare, basse, batterie) joue soudé comme jamais après les épreuves traversées atteignant des sommets d'émotion ou de tension bien aidé en cela par la finesse des arrangements (de cordes souvent) dans un climat de mélancolie latente. Un excellent album dont on ne peut que conseiller l'écoute aux fans de Nada Surf et autres Death Cab for Cutie ainsi qu'aux nostalgiques des années 1990.

http://www.dodosmusic.net/