mardi 30 juillet 2013

Rencontre avec Eugene McGuinness

(c) Dean Rogers



Attablé dans le café de la Maroquinerie, quelques heures avant de monter sur scène, Eugene McGuinness, est fidèle à son image de nouveau dandy de la pop anglaise, impeccable et le brushing bien en place. Hyper professionnel et pourtant accessible, Eugene s'est confié sur ses motivations musicales et la génèse de son dernier disque en date, l'excellent « The invitation to the voyage ». Rencontre un petit mois avant de retrouver Eugene à Rock en Seine...

En écoutant tes deux premiers albums, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'ébauches qui ont mené à « The invitation to the voyage ». Comment décrirais-tu la façon dont tu as évolué en tant que songwriter ?
Eugene McGuinness : Cela été très naturel entre 2007 et maintenant. Mon tout premier disque, « The early learning of » devait être un EP de quatre titres. Je n'étais même pas signé chez Domino à l'époque. Lawrence, de Domino m'a découvert assez tôt. A l'époque des deux premiers albums, j'explorais différents types de chansons. Un an avant le premier album, j'enregistrais des démos dans ma chambre. Et les deux premiers albums montrent cette progression. Cela aurait sonné faux de toute manière pour moi de faire un gros album pop, j'avais 20 ans, j'étais encore en train d'apprendre. Mon premier disque s'intitule « The early learnings of... » (Les premières leçons de), déjà à l'époque j'étais conscient. Il s'agit en fait d'une collection de chansons qui sont toutes très différentes les unes des autres. C'est toujours le cas en fait. Je ne veux pas être perçu comme un songwriter ou un guitar-hero. Je suis au milieu de tout un tas de choses. Mais bon je me suis développé d'une façon très ouverte et honnête. J'aime le fait que sur mon premier disque, je sonne comme un mec de 20 ans et un an plus tard j'ai mon propre groupe et cela sonne de façon beaucoup plus mature. Rien n'arrive soudainement. Surtout en Angleterre ou tout le monde s'attend à des changements dramatiques. Mon dernier album aurait pu être un de ces changements, surtout si je l'avais fait plus rapidement, mais j'ai disparu pendant deux ans.

Est-ce que tu penses avoir trouvé ton style ? Est-ce possible de se trouver un style, par essence, la musique est en constante évolution...
E McG. : C'est vrai cela évolue tout le temps. Mais j'ai maintenant trouvé la façon dont j'aime faire les choses. C'est difficile à décrire mais de cette façon, je sais ce que je n'ai pas envie de faire. Je n'ai pas encore trouvé un son ou une manière d'enregistrer définitive parce que je pense que d'une certaine façon cela tue tes envies. J'aime ne pas savoir ce que je vais faire sur mon prochain disque. Je savais ce que je voulais faire avec ce disque ci, et d'ailleurs je l'ai fait, mais je n'avais aucune idée de la façon dont le résultat allait sonner. C'est inspirant de faire les choses un peu à l'aveugle. Un album de blues, mod ou électro, je sais comment ces disques sonnent et j'aime ça d'ailleurs, mais pour moi avant même d'enregistrer, je dois d'abord être intrigué. Je fais des disques pour découvrir ensuite comment ils vont sonner (rires) !

C'est un travail en cours...
E.McG : Oui mais c'est positif, pas incomplet. J'aime expérimenter.

En écoutant « The Invitation to the voyage », je me suis dit, wow il n'a pas peur de prendre des risques, d'essayer des choses nouvelles, de sortir de sa zone de confort...
E.McG : Je pense que je m'ennuie assez vite autrement. Mais en même temps je voulais faire un disque très simple. En fait, je voulais me concentrer sur le chant. Je voulais faire un album « chanté », avec de la voix. Après tout s'est développé. A la base toutes les chansons ont été écrites à la guitare ou au piano mais je voulais faire un disque en « cinémascope ». Quelque chose de grand, de moderne. Mais d'un autre côté c'est un album très simple. Tout est fait pour la voix. Chaque fond musical habille chaque chanson.

(c) Dean Rogers
 
En parlant de cela, avant tu jouais de la guitare dans le groupe de Miles Kane, et pourtant tu n'as pas fait un disque de guitariste...
E.McG : Non vraiment pas. Sur quelques chansons peut-être. Tous les ingrédients du disques sont sur un pied d'égalité. Les chansons sont très différentes les unes des autres et il y a tous les ingrédients nécessaires pour chaque titre. J'aime bien chercher les différentes extrêmes dans tout ce que j'écris. Je n'aime pas que tout colle parfaitement bien ensemble. Quand cela arrive c'est juste un heureux hasard. Je préfère chercher les extrêmes dans chaque chanson plutôt qu'un grand ensemble ou tout fonctionne dans le même sens. J'ai envie de faire plus de choses à la guitare.

Ta chanson « Shotgun » me semble être un pas important pour toi. Non seulement c'est la première fois que utilise un sample (celui de « Peter Gunn », ndlr) mais tu as bâti tout ton titre autour. Comment as-tu connu la chanson « Peter Gunn » ?
E.McG.: J'étais en tournée, on écoutait « Murder Weapon » de Tricky qui l'a samplé en premier. J'avais déjà commencé l'enregistrement du disque, je voulais utiliser un sample, juste pour le fun. Je ne pensais même pas sortir ce titre. Je me souvenais de « Peter Gunn » des dessins animés quand j'étais petit. « Murder Weapon » c'est un morceau incroyable, j'ai décidé qu'il fallait que j'utilise ce sample. Je me foutais complètement du résultat. C'est juste du fun. Tu vois, j'écris des chansons, quel est le truc le plus inattendu que je pouvais faire ? Voler le son de quelqu'un d'autre ! « Shotgun » on l'a fait en deux heures. Tu est plus libre quand tu utilise des samples. C'est juste de l'amusement. Plutôt que de construire quelque chose qui vient directement de toi. C'est quelque chose que je veux faire plus souvent, avoir du fun plutôt que d'être « Monsieur l'auteur sérieux ».

Je suis un grand fan de Garage rock et de Mersey Beat...
E.McG (il coupe) : Les La's ?

Oui en effet, c'est un de mes albums préférés de tout les temps. Enfin tout ça pour dire que ma chanson préférée sur l'album c'est « Lion »...
E.McG. : Ah « Lion »... Je crois que c'est ma préférée aussi !

C'est nouveau pour toi, ce son un peu surf, 60s...
E.McG : Non pas vraiment. « Nightshift » (sur l'album précédent, ndlr) avait un peu de « Lion » aussi. Disons que « Lion » est une version plus développée. Quoi qu'il en soit, j'adore la guitare surf, j'ai envie de faire plus de choses dans ce style.

(c) Dean Rogers
 
Tu as enregistré un album « Glue » sous le nom d'Eugene and the Lizards. C'était un coup unique ? Le groupe existe-t-il toujours ?
E.McG : C'était surtout pour travailler avec mon frère, Dominic (le clavier, ndlr). Il était très jeune à l'époque, d'ailleurs il joue toujours avec moi aujourd'hui. J'étais déjà signé chez Domino à l'époque ce qui nous a permis de sortir le disque. On a appelé le projet Eugene and the Lizards mais on aurait dû l'appeler The Lizards. Dominic a beaucoup travaillé sur ce disque. C'est d'ailleurs ce qui va arriver dans le futur, je vais travailler de plus en plus avec mon frère. On changera le nom, cela sera plus ouvert, on se partagera le chant. Pour en revenir à l'album avec les « Lizards » on avait quatre jours de studio pour enregistrer la face B de « Wendy Wonders ». C'est beaucoup de temps pour une seule chanson. Cet album avec les Lizards on l'a fait en trois jours et on a mixé le quatrième. Le label n'était même pas au courant ! C'était un truc rapide, garage un peu à la Modern Lovers. Je l'aime beaucoup ce disque. En un sens c'est l'opposé de « The invitation to the voyage » sur lequel on a passé beaucoup de temps. Mais j'aime beaucoup cet album avec les Lizards, c'était à un moment donné...

Pour en revenir à ton dernier disque, « The invitation to the voyage », penses-tu que la musique est le voyage d'une vie ?
E.McG. : Ca l'est. J'étais en tournée avec Miles (Kane, ndlr) quand j'écrivais le disque, tout le temps en train de voyager. Tu vieillis, il t'arrive des trucs. Et il y a certaines choses chez toi qui changent et tu n'y peux rien. Et puis d'autres choses restent identiques et tu n'y peux rien non plus. C'est intéressant, cela se reflète dans la musique. Mais ton identité, qui te rends unique, ça ça ne devrait jamais changer.

Le noyau dur...
E.McG. : Oui le noyau dur qui fait qu'aujourd'hui tu est impliqué dans la musique.

Et quel serait ton truc alors ?
E.McG. : Je dirai la voix. Tout le reste peux changer mais pas la voix. Il y a beaucoup de chanteurs incroyables tu sais... Ma voix c'est la chose dont je suis le plus fier. C'est moi.

Si je te dis que demain tu peux rejoindre n'importe quel groupe sur Terre...
E.McG. : (il coupe) Les Beatles !

J'espérais que tu allais dire Les Smiths ou les Stone Roses...
E.McG. : Non, pas les Smiths. Les Stone Roses, cela aurait pu être fun. Primal Scream aussi. Mais non je reste sur les Beatles. Pour eux, j'aurais sifflé dans le fond ou n'importe quoi d'autre (rires) ! Sans problème !

Quand tu voyage, prends-tu conscience de l'influence de la musique britannique sur le reste du monde ?
E.McG. : Dans certains pays comme la France, oui. En fait le rock anglais, c'est quelque chose de global, une identité. En Angleterre, on ne s'en rends pas vraiment compte, on est tellement auto-centrés. Si tu me pose des questions sur la musique en France, en Italie ou au Brésil, il y a probablement des choses que je devrais adorer, mais je m'y connais tellement peu... Notre culture a voyagé non seulement en France mais bien au-delà. Et cela tu t'en rends compte en voyageant. En Australie, au Brésil, au Mexique, la culture anglaise est très présente. Voir des mods Brésiliens, c'est un truc dingue. Bizarre. Mais je ne crois pas qu'en ce moment il y tant de groupes géniaux en Angleterre. En ce qui concerne le rock n'roll, les Australiens nous l'ont volé.
Propos recueillis le 9 février 2012.

En concert le 24 août (Rock en Seine).

Un grand merci à Eugene pour sa gentillesse et sa disponibilité et à l'équipe de Domino France pour avoir organisé cette rencontre.

www.facebook.com/eugenemcguinnessmusic





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