dimanche 20 février 2011

The Hub Interview


Retour sur le projet The Hub (voir le post du 5 janvier) avec ses deux protagonistes Hubert ZeroSix et Yarol Poupaud. Hubert et posé et bavard. Yarol parle plus fort et surtout rigole beaucoup. Blagueur, ce dernier a tenté d’introduire une pièce de monnaie dans l’oreille de votre serviteur. « Bah quoi ? My Head Is A Jukebox. C’est où qu’on met les pièces ? J’ai envie d’écouter Eddie Cochran ! ». On s’est surtout beaucoup amusé. Rencontre...

Comment a débuté votre collaboration ?

Hubert : On s’est croisé plusieurs fois. On a la particularité de fréquenter des lieux de goût (rires). Le bon goût de fréquenter les endroits où il faut être. La première fois qu’on s’est rencontré, on a eu l’occasion de jouer ensemble. C’était au lovamour…

Yarol : A l’hôtel. Le love hôtel. Chez Lova Moore (rires) ! Dans la chambre !

Hubert : Quand je parle d’endroit de goût… Non, sérieusement c’était à l’inauguration de l’hôtel amour, il y avait une soirée et on a eu l’occasion de jouer en live. Moi je garde un super souvenir du passage où Yarol s’est mis à la batterie pendant que moi je jouais mon truc habituel. Il s’est passé trois ans après avant que l’on se remette à bosser sérieusement. Après mon premier album, super roots, avec une technique rudimentaire et le parti pris de ne jouer que des morceaux traditionnels tout seul, je voulais faire un album un peu plus produit. J’ai aussi commencé à travailler sur des compos. On a un ami commun, Tony Truant des Wampas qui m’a conseillé de travailler avec Yarol. Yarol a la particularité d’envoyer des mails assez brefs. Je lui ai envoyé deux trois morceaux et il m’a dit c’est cool passe à la maison, j’ai envie d’en écouter plus… La toute première Yarol s’est mis à la basse et à la grosse caisse et c’est ce jour là que l’on a inventé la formule qui est la notre en live et qui déchire le plus.

Yarol : J’ai trouvé qu’Hubert jouait de la guitare vachement bien. Il avait tous les plans delta, picking et tout. A la base, moi je voulais lui piquer ses plans (rires). VIENS A LA MAISON QUE JE TE PIQUES TES PLANS UN PEU !!!!!

Hubert : C’est notre amour pour Mississipi John Hurt qui nous a rapproché. Ce qu’on fait au final cela ne ressemble pas du tout à Mississipi John Hurt…

En fait c’était une volonté pour toi de passer d’un projet solo à une musique plus produite ?

Yarol : C’est moi qui l’ai engrainé ouais…

Hubert : Je me suis un peu laissé faire. Il n’y avait pas un projet particulier : « tiens je vais faire un album avec une basse, une batterie… » Je n’y aurais pas cru. Le projet est né en marchant. Le morceau qui définit notre démarche c’est « what do you think you’ll do ». C’est le premier que l’on a fait. Il y a à la fois une guitare et une voix super roots et Yarol a apporté cette rythmique avec la basse et la batterie. Ce jour là on s’est dit on fait du blues africain.

Yarol : Pléonasme total…

Hubert : Cela ressemblait encore plus à de la musique africaine que sa version américanisée.

Yarol : On ne pensait même pas faire un disque… Hubert est passé à la maison on a fait une chanson. Et puis on s’est revu quinze jours plus tard et on en a fait une autre… L’enregistrement s’est étalé sur un an quasiment de sessions à droite à gauche comme ça. Un après-midi, une soirée… Et puis après un moment on s’est dit : « Et dis donc on a un album là » !

Hubert : On en avait même deux à ce moment là mais on a enlevé des titres ! (rires)

Yarol, comment tu t’es fondu dans l'univers d'Hubert ?

Yarol : Ca a été relativement facile par ce qu’on a les mêmes références, on écoute la même musique, on connaît les mêmes trucs… Moi je me suis fondu là-dedans en m’amusant. C’est le but du jeu. Au début Hubert me disait : De la basse t’es sur ? De la basse ?

Hubert : Exactement, moi je ne voulais pas de basse…

Yarol : Et puis après c’était, ouais il faudrait encore plus de basse (rires)…

Hubert : Moi je me suis dit : il peut me proposer tout ce qu’il veut sauf de la basse ! Et évidemment le premier truc qu’il m’a dit c’est : on va mettre de la basse !

Yarol : J’avais acheté une vieille basse Gibson qui était un peu la grande sœur de la guitare sur laquelle jouait Hubert donc… Je lui ai dis : « Ce n’est pas une basse t’inquiète, elle n’a que quatre cordes !!! (rires) C’est une guitare « grave » (rires) !!!

Hubert : Quand j’ai entendu le groove que cela donnait…

Yarol : En fait, il y a une démarche initiale autour de la basse qui était intéressante par ce que tous les groupes de blues contemporain, les Black Keys, les White Stripes, John Spencer Blues Explosion, se passaient de basse. C’était mal vu. Je me suis dit bah tiens, nous on va en remettre…

Hubert : Gamin j’ai adoré les Cramps et il n’y avait pas de basse. J’avais bien dans l’idée que l’on pouvait faire de la musique sans basse, ce n’est pas faute d’avoir essayé…

Yarol : C’est quoi ce racisme anti-basse ???

Hubert : J’avais des supers potes, très bons bassistes à qui j’avais expliqué très froidement qu’il était hors de question que je jouais avec eux parce que je ne voulais plus de basse… Et puis ils m’on vu rappliquer avec Yarol…

Les chansons en français m’ont beaucoup plu. Il y a une grosse scène blues en France mais pratiquement personne ne chante en français…

Hubert : Ca m’est venu par Yarol en fait…

Yarol : DE LA BASSE ET DU FRANÇAIS, ALLEZ !!!! (rires)

Hubert : Après la basse, le français c’était le deuxième truc que j’avais prévu de ne pas faire… Mais le plaisir de composer dans sa langue maternelle c’est quelque chose d’incomparable. Il n’y a pas photo. Sur l’échelle des valeurs du songwriting, à terme, si je ne pouvais composer que des chansons en français et qui me parlent… On en a composé pas mal même si on en a gardé que deux sur l’album… Ce n’est pas simple de faire sonner le français.

Yarol : Dans ce genre de musiques on a une référence très proche chez les cajuns. Moi je suis un fan de zydéco. Quand t’écoutes Clifton Chénier, y’a du français dedans… Et toute la country du Québec des années 30 et 40, y’a des trucs incroyables… Donc c’est possible, les références sont là…

Il y a un morceau comme ça sur l’album « The One I miss »…

Hubert : Oui cela fait un bel enchaînement « It’s gonna be hard / The One i miss »…

Yarol : Ouais avec l’accordéon. Je pensais que cela apportait un petit plus (il claque des doigts) à l’album ces deux chansons en français. Quand tu as un truc à dire autant le dire dans ta langue maternelle… Ce n’était pas rédhibitoire cependant. Si on n’avait pas réussi on aurait fait un album en anglais.

Dans les années 90 on conseillait souvent aux jeunes groupes de chanter en français pour être signés. Maintenant on a de plus en plus de jeunes groupes qui chantent en anglais…

Yarol : C’est des allers-retours permanent entre on signe des groupes en anglais, on en signe plus… Il y a une brèche qui s’est ouverte. Je ne parle pas de Phoenix qui est un cas à part. En fait, on se rend compte que dans ces groupes là, The Do ou Moriarty, les chanteuses ne sont pas francophones au départ (Comme Bad Mama Dog également signé sur Bonus Tracks Records). Moi je suis content que des groupes français chantent en anglais. Mais attention, il y a chanter en anglais et chanter en anglais. Moi je bosse avec pas mal de groupes avec qui je me bats par ce que j’ai l’impression que l’anglais c’est un cache-misère. Quand tu n’as rien à dire, c’est plus facile de chanter en anglais. Mais quand tu regardes les titres, t’as envie de dire : « non mais attends, elles sont bidons tes paroles » (rires). Quand tu veux chanter en anglais, la moindre des choses c’est qu’un anglo-saxons comprennent ce que tu as à dire. Il y a des mecs ils arrivent et ils font : « girlfriend she told me won won won » (il fait semblant de chanter dans un chararbia incompréhensible, rires). Et le ricain à côté il est mort de rire et il n’a pas compris un traître mot de ce qu’a dit le gars!!! Et le français lui, il est super de son accent !! C’est une marmonnade fastoche.

Hubert : L’anglais d’un pays qui n’existe pas…

Yarol : Ca je suis contre. Par contre le groupe qui assure vraiment en anglais avec un vrai travail sur les textes et qui a des trucs à dire… C’est faux le discours débile comme quoi les textes ne sont pas importants chez les anglo-saxons. Vas dire ça à Dylan, à Neil Young ! Merci !

Hubert : L’idée ce n’est pas de faire uniquement que du français ou uniquement de l’anglais. Certains morceaux sont effectivement mieux en français, spontanément. Les chansons sont nées comme ça, on ne s’est pas amusé à traduire. Il faut être à l’aise avec la chanson. Il faut que cela te parle à toi et ensuite il faut réussir à le transmettre. Mais statistiquement cela sonne plus mal en français qu’en anglais.

Yarol : C’est un exercice très périlleux.

Yarol, quand j’ai écouté le disque, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Heartbreak Hotel. Est-ce que tu vois un lien entre les deux disques ?

Yarol : Oui tout a fait. Si tu prends mes fantasmes musicaux américains, Heartbreak Hotel représente la façade country et The Hub le versant blues. C’est la même démarche. Les deux albums ont été produits un peu de la même manière. C’est un travail avec un songwriter guitare/voix. Nikola venait aussi à la maison avec sa guitare et sa chanson et moi autour je construisais tout un espèce de bric à brac d’arrangements et de bordel. Ce sont deux albums que je considère dans la même lignée.

Hubert : L’album d’Heartbreak Hotel fait partie de ces disques qui m’ont fait penser que l’on pouvait construire un super truc avec Yarol.

Le catalogue Bonus Tracks est très cohérent d’un point de vue artistique avec une continuité entre chaque album et chaque groupe. On sent que le label est géré par un musicien. Comment tu choisis les projets sur lesquels tu travailles ?

Yarol : Je ne me dis pas tiens je vais en vendre plein. On ne fonctionne uniquement que sur du coup de cœur et une envie de travailler commune. Il faut que l’artiste me fasse bander. On en revient au lovamour hôtel (rires) !!! Les Parisians c’est un groupe que je suis depuis longtemps et que j’aime beaucoup. J’étais très content de faire leur album.

Hubert : Moi justement j’ai été attiré par l’univers des autres artistes Bonus Tracks. Moi je n’aurai surtout pas voulu être sur un label strictement blues. C’est ma musique mais je ne voulais être sur un label qui me vende uniquement en réseau. Là je me reconnais dans les autres groupes du label. J’y vois différentes périodes de mon évolution musicale…

Musicalement l’album est assez homogène mais avec des touches rock comme « six feet underground » ou un peu country comme on en parlait tout à l’heure. C’est une somme de tes influences ?

Hubert : Oui mais ce n’était pas du tout un parti pris de faire un catalogue de toutes les influences. Les bluesmen des années 20 dans le Mississippi fréquentaient des Blancs. Les Noirs, les Blancs jouaient de la musique qui venait du même endroit et qui pouvait être comparées. Finalement que cela sonne un peu plus country ou blues, dans le fond c’est la même chose. Les habillages peuvent être inversés. Toutes ces musiques me parlent. Seasick Steve quand tu lui poses la question, il te dit : « fuck the blues, je joue de la musique américaine ». C’est ça que j’ai à l’esprit. Moi je suis très axé sur le côté compo/chanson. Il faut qu’à poil la chanson tienne debout avec une simple guitare sèche. Après la chanson elle ne t’appartient plus. L’idée est là. Moi je les ai mises dans les mains de Yarol avec une confiance aveugle.

Yarol : Et moi j’ai la volonté permanente de ne pas me répéter. Cela m’emmerde de faire quatorze fois le même morceau. C’est un truc d’ailleurs que je reproche à beaucoup de disques à l’heure actuelle. D’entendre une espèce de recette. Là je suis content, par ce qu’il y a des morceaux plus country, d’autres blues, roots, folk, rock n’roll, soul.

Hubert : « Six feet underground c’est celui qui est parti le plus loin dans l’univers rock mais qui peut être joué façon John Lee Hooker. Pour moi ce qui est important, c’est l’esprit de la chanson. Si en plus il peut y avoir plein de couleurs…

Vous connaissez certainement Elliott Murphy. Il y a quelques années quand il a sorti son album de blues, il a expliqué que l’album lui avait été inspiré par sa femme qui lui a dit : « vous les rockeurs quand vous n’êtes pas morts à 27 ans vous devenez des bluesman ». Vous en pensez quoi ?

Yarol : Qu’on n’a pas encore 27 ans (rires) !!!

Hubert : Ce n’est pas con. (silence) Il y en a beaucoup qui ont fait ce chemin là… En tout cas, je fais partie des statistiques… Je rappelle pour mémoire que Robert Johnson est mort à 27 ans.

Yarol : Puisqu’on en parle il avait quel age Keith Richards quand les Stones ont fait « Beggars Banquet » ? (Rapide calcul) Non pas tout a fait 27.

Hubert : Oui mais lui il a raté sa sortie. Ce n’est pas faute d’avoir essayé remarque. Mais pour en revenir à ta question, cela souligne le côté intemporel. On parle souvent de « vieux bluesmen ». Mais ces mecs là quand il l’ont jouée ils n’étaient pas vieux… Ce n’est pas de la musique de vieux, c’est juste qu’elle a été enregistrée avant. Je ne sais plus quel poète à dit : « Etre vieux c’est être jeune un peu plus longtemps que les autres… »

Propos recueillis le 2 février 2011.

www.bonustracksrecords.com


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